De l’art de démissionner
Le Premier ministre de la République tchèque Petr Necas vient d’annoncer qu'il démissionnera en raison d'un scandale de corruption qui implique sa secrétaire et dont lui est pourtant innocent. En quoi cette information, somme toute banale et «normale» dans ces pays, nous intéresse-t-elle ? En fait, elle nous interpelle et nous ramène à la triste réalité de notre gouvernement, de nos institutions et jusqu’à nos grandes entreprises où l’art de la démission est pratiquement interdit. Dans notre pays, la démission volontaire n’existe pas. Certes, il y a eu le cas d’Ahmed Benbitour qui n’a pas supporté plus longtemps d’être dépouillé de ses prérogatives de chef du gouvernement et qui a été poussé vers cette issue, ou celui d’Abdelaziz Rahabi qui, ministre démis de ses fonctions et mis dans une voie de garage, a fini par comprendre qu’il fallait partir de son propre chef. Il faut reconnaître que, souvent, ce n'est pas de la faute de ces personnes placées aux niveaux supérieurs de la hiérarchie de l’Etat, puisque rendre le tablier en Algérie équivaut, depuis l'avènement de Bouteflika, à un crime de lèse-majesté : c'est le Président qui nomme, c'est lui qui dégomme. Les plus zélés sont allés plus loin ; ils ont montré que s’ils ne connaissaient pas l’art de la démission, ils avaient, par contre, parfaitement maîtrisé l’art d’esquiver les situations qui mènent à la sortie et ils ont acquis la science de l’anticipation. En acceptant, avec empressement même, d’occuper certains postes, et pas seulement de ministre, ces «commis de l’Etat», comme ils aiment se faire appeler, acceptent d’abandonner leur autonomie de décision. Ils mettent leur sort personnel entre les mains de ceux qui les cooptent. En échange de quoi ? Le pays se portera mieux quand les responsables auront le courage de dire non à ceux qui les ont «placés». Mais comme les désignations se font moins sur la base de la compétence que sur celle de la région et de la loyauté, et – ce n’est pas rare – dans un but précis lié aux intérêts en jeu, personne, finalement, n'est prédisposé, dans le sérail, à cet acte courageux.
Kamel Moulfi
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