La dictature du ventre vide
Pendant que quelques émirats affichent une opulence vulgaire – le touriste saoudien dépense l'équivalent de 30 000 euros par jour dans les jouissances de ce bas monde, selon un rapport –, de nombreux pays arabes sont au bord de la faillite. En Egypte, la crise économique n’a fait que s’accentuer depuis l’arrivée au pouvoir des Frères musulmans. Le pain manque, les budgets alloués à l’école sont chiches, l’armée ne vit que grâce aux subsides de Washington, les rentes provenant du tourisme périclitent. Et comme si cela ne suffisait pas, l’Ethiopie risque d’assécher le Nil en amont et d’affamer une population égyptienne dont le nouveau pouvoir islamiste est réfractaire à la limitation des naissances. La Tunisie ne se porte pas mieux. D’après une note du FMI, ce pays n’est pas loin du syndrome grec. Les revenus sont très insuffisants et il est désormais question «d'importants risques». D’aucuns diront que nous tentons de prouver que le statu quo ante était meilleur et que les peuples de ces deux pays auraient gagné à accepter la dictature de Moubarak et de Ben Ali pour éviter une telle situation désolante. Une telle réaction épidermique à toute critique de l’état actuel des pays qui ont choisi de s’affranchir du totalitarisme, et de se jeter dans les bras de l’islamisme, ne nourrira pas les millions de pauvres qui finiront bien par réclamer du pain. Et ils ne seront pas tendres avec leurs nouveaux dirigeants issus de leur propre révolte. En Egypte, la population, en plus d’avoir faim, aura soif. En Tunisie, le citoyen devra payer de sa poche des crédits contractés par le gouvernement islamiste auprès de la Turquie et du Qatar à des taux d’intérêts élevés et sous condition. Les peuples égyptien et tunisien ont cru un moment que la sortie par la petite porte du dictateur allait leur ouvrir celle de la dignité. Mais la dignité ne leur a pas ouvert ses bras. Ces pays n’ont vécu que la moitié du «printemps arabe». L’autre moitié se profile à l’horizon et elle s’annonce moins vernale.
R. Mahmoudi
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