Notre haïk, leur hidjab
Lorsque le monde n’était pas encore un village et que l’Afghanistan était loin, nos parents nous apprenaient que fumer, boire et fainéanter étaient mal vus. A cette époque-là, les esprits étaient encore saints et les valeurs morales provenaient de nos aïeux. Nos mères portaient le haïk, un voile dont la blancheur reflétait la pureté d’une société qui, tout en respectant les constantes vertueuses, ne vivait pas moins en harmonie avec le monde dit civilisé. Nos parents puisaient leur force dans la longue liste de martyrs tombés au champ d’honneur pour libérer le pays. Puis, petit à petit, le monde se mit à se rétracter. L’Afghanistan n’était plus aussi loin et l’Egypte «frérienne» s’incrusta dans nos mœurs. Les adeptes des Pachtounes substituèrent Hekmatyar au colonel Amirouche, Shah Massoud à Mostefa Ben Boulaïd et Abdul Rassul Sayyaf à Larbi Ben M’hidi. Nos glorieux martyrs furent ainsi effacés d’un revers de main et toute une histoire révolutionnaire faite de courage et de résistance jetée aux orties. Et en même temps que les barbes poussaient, le hidjab, un vêtement d’une mocheté écœurante, nous sera exporté par la confrérie de Sayyid Qotb, atteint d’une misanthropie maladive après son séjour aux Etats-Unis dont il est revenu complexé, et son héritier Al-Qaradawi, reptile de compagnie élevé dans le terrarium de l’émir du Qatar. Puis, encore, les intégristes évoluant comme le reste des humains, le hidjab sera abandonné pour un nouvel accoutrement autrement plus laid, le jilbab, noir et trainant par terre dans les rues sales de nos villes, balayant sur son passage poussière, crachats et autres souillures jetées par des citoyens inciviques. La bêtise humaine n’ayant pas de limites, les promoteurs de cette doctrine rétrograde inventent sans cesse de nouvelles formes de djihad, allant de la traite de femmes au crime de sang. Le monde devra cesser d’être un village planétaire, l’Afghanistan s’éloigner à nouveau, l’Egypte disparaître de nos écrans, le hidjab redevenir haïk et l’âme de Ben Boulaïd, Amirouche et Ben M’hidi reprendre le chemin de la lutte pour le recouvrement de notre personnalité et de notre conscience perdues.
M. Aït Amara
Comment (16)
Les commentaires sont fermés.