Genève II : est-ce pour préparer la paix ?
Chaque jour qui passe sur le terrain des combats, en Syrie, révèle que la guerre contre ce pays n’est pas ce que l’on rabâche depuis plus de 2 années, à savoir «un soulèvement populaire spontané» contre ses dirigeants pour recouvrer sa dignité et sa liberté, mais bien d’un complot pour déstabiliser cet État qui gêne les objectifs et les visées impérialistes dans la région. Pour ce faire, les États-Unis, la Grande-Bretagne, la France, le Qatar, la Turquie, l'Arabie Saoudite et Israël ont engagé tous les moyens pour permettre aux groupes armés affublés du terme de «thouars» (révolutionnaires) – la plupart des mercenaires islamistes – de mener une guerre sans merci contre l’État syrien et renverser son gouvernement, dans le but d’affaiblir l’axe de résistance, en admettant pour cela les pires atrocités. Par l’origine diverse des groupes armés islamistes, hier «terroristes», métamorphosés, aujourd’hui, momentanément, en «révolutionnaires» rétribués sous la fausse bannière de «djihadistes», la provenance de l’armement en leur possession, les objectifs visés, les agissements et les réactions des pays manipulateurs engagés, il est indéniable que cela obéit à un plan réfléchi, destiné à instaurer le chaos dans une géographie déterminée, pour ensuite recomposer selon les desideratas et objectifs prévus. Ce projet américain est consacré dans ce qui est appelé le «Grand Moyen-Orient» auquel est intégré le projet israélien dit «Yinon» destiné à assurer la supériorité d’Israël. Deux années de guerre, de destructions de toutes natures, de sanctions et de pressions – contre un État souverain où tous les moyens illégaux, même les plus immoraux et abjects, ont été utilisés – n’ont pas permis de venir à bout d’un peuple résistant, d’une armée forte et unie. Deux années sans voir l’effondrement prévu malgré les sommes colossales engagées par les bailleurs arabes vassaux et la formidable guerre médiatique, soutenues par d’éminents hommes de culte, corrompus, chargés de l’endoctrinement des masses musulmanes par la religion. L’échec de l’aventure semble bien consommé et les cartes jouées. Depuis les derniers développements avec la récupération de Qousseir et de sa banlieue – localité hautement stratégique pour les planificateurs américano-sionistes qui devait aboutir à la prise de Damas – par l’armée syrienne des mains des «insurgés», tous les calculs ont été bouleversés et les objectifs compromis. Avec cette récupération surprise, suite à une offensive «éclair et décisive, de cette petite ville où se sont solidement concentrées les forces wahabo-takfiristes, on annonce déjà des échecs sur d’autres fronts. Cette bataille de Qousseir a été particulièrement déterminante par l’appui, à la frontière libanaise, des éléments du Hezbollah qui n’ont laissé aux groupes armés aucune possibilité d’infiltration, d’exfiltration ou d’approvisionnement. Une assistance inattendue qui a été condamnée par la… Ligue arabe. L’autre élément est que l’armée syrienne a su se convertir, en la circonstance, en une redoutable force antiguérilla. Les résultats de Qousseir sur le plan militaire et tactique, avec ses effets ravageurs sur les autres groupes, ont créé un climat de défaite, une situation d’impasse mettant les groupes armés dans un état de déroute et les commanditaires dans une profonde confusion. C’est donc bien les résultats sur le terrain des combats qui dictent ou imposent la nature des changements. Il ne restait que l’annonce par les deux «Grands», les USA et la Russie, d’une conférence «internationale» sur la Syrie, prévue à Genève, qui se veut l’ultime round pour sceller cet encombrant et dangereux dossier par la voie politique, malgré l’agitation et les élucubrations des autres protagonistes qui soutiennent une solution militaire. Tant que l’on pouvait encore financer et remplacer les groupes anéantis, tant que l’on disposait encore de «cartes» de pressions politiques et économiques, tant que les étapes du plan tracé avançaient, il n’était pas envisageable de négocier quoi que ce soit. Avec la bataille de Qousseir, qui avait bouleversé les données, les commanditaires étaient contraints, dans la précipitation, d’adopter une série de manœuvres aussi insensées que dangereuses. Dès que les principaux groupes armés, que domine Al-Nosra, ont été laminés ou réduits, il ne restait aux stratèges américano-sionistes et leurs suppôts arabo-monarchiques que de présenter du «réchauffé» en rabâchant les mensonges éculés, sans preuve, voire sans conviction, ou tenter d’autres diversions et agissements dans l’espoir de disposer d’arguments et de moyens de pression consistants lors cette conférence dite de «Genève II». Mais le reste du monde connaît ces manœuvres, s’en méfie, les réprouve. Voyant leurs plans foirer, ils réitèrent la fallacieuse histoire de l’utilisation, par l’armée syrienne, des armes chimiques que réfute Carla Del Ponte en affirmant que ce sont les groupes armés qui les ont utilisés contre l’armée syrienne et les civils. Même la demande syrienne d’une enquête in situ de l’ONU a été capotée par les Américains qui voulaient l’étendre à tous les endroits de stockage éventuels de ce genre d’armes. En dépit de toutes les preuves filmées montrant des scènes de préparation de ces armes par les groupes armés, rien n’y fait, les Etats-Unis accusent l’armée syrienne et concoctent un autre plan de communication sur les armes chimiques depuis la Jordanie en le faisant coïncider avec les exercices militaires en préparation dans ce pays. La France a été chargée par le biais du journal Le Monde de lancer la propagande, d’en fournir les éléments de preuves, même inconsistantes, pour en faire un motif d’intervention militaire extérieure. La Russie rejette ces accusations d’utilisation d’armes chimiques par les troupes gouvernementales syriennes, mais annonce par Poutine, en conférence de presse, lors du sommet du G8 à Lough Erne (Irlande du Nord), que son pays était prêt à participer à la vérification des cas d’utilisation de ces armes en Syrie et à soumettre les résultats au Conseil de sécurité. On tente aussi de relancer le projet illégal et dangereux d’une zone d’exclusion aérienne, depuis la frontière jordanienne cette fois, qui serait de 40 km, pour permettre, en fait, de recomposer les groupes anéantis, faciliter l’acheminement des armes et du ravitaillement. Ce «no fly zone», qui coûterait 50 millions de dollars/jour, sera non seulement une violation d’un pays souverain, s’il ne passe pas par le Conseil de sécurité, mais est de nature à enflammer la région, car la Syrie sera en droit de riposter ; toute violation de son territoire et de son espace aérien sera très risquée aux pilotes qui s’y aventureront surtout si elle dispose des redoutables missiles S-300, en plus de son arsenal offensif. On relance, tambour battant, le désir d’armer les groupes avec des armes modernes comme si les armes utilisées, jusque-là, venaient du néant ! La question qui les effraye est le risque de voir ces armes se retourner contre eux une fois le problème de la Syrie réglé dans les deux cas de figure. De ce fait, classer Al-Nosra organisation terroriste était le seul moyen de faire éliminer cet encombrant groupe. L’autre crainte est de voir aussi ces armes récupérées par l’armée syrienne comme toutes celles laissées par les groupes éliminés. Au même moment, au vu des difficultés à recruter, on fait organiser, en Égypte, une conférence des oulémas musulmans à leur tête Al-Qaradawi pour, essentiellement, lancer un appel aux musulmans du monde à venir faire le djihad en Syrie contre le «régime de Bachar», chose qui n’a jamais été faite contre Israël qui ne cesse depuis plus de 60 ans de spolier et d’assassiner les Palestiniens. Ce projet d’armer est condamné par la Russie qui y voit une volonté de poursuivre les tueries et donc contraire au but de la conférence qui veut instaurer la paix. La Russie réfute le pendant fait avec sa livraison d’armes défensives qui obéissent, selon elle, à des contrats légaux avec un gouvernement légitime, telles les batteries antimissiles russes S-300 qui ne peuvent pas servir à réprimer l’opposition armée. Toutes ces agitations et gesticulations ne seraient pas apparues s’il n’y avait pas domination par l’armée syrienne du terrain des combats. Lorsque les groupes armés occupaient des pans entiers de territoire, imposant leur loi en martyrisant les populations, détruisant les infrastructures économiques, sociales et culturelles, foulaient aux pieds les lois internationales et la morale, l’Occident encourageait cela, espérant la généralisation du chaos dans toute la Syrie pour le projeter à tous les États de l’axe de la résistance avec en point de mire l’Iran. Lorsque la situation s’est renversée par la reprise en main des choses par l’armée syrienne avec risque d’anéantissement de toute la stratégie tracée pour ce Moyen-Orient, le voilà exhiber les «lois internationales» pour faire condamner la Syrie de crimes de guerre non avérés ou commis par ses hommes pour en accuser l’adversaire. La conférence dite de Genève II a pour but de trouver une solution politique à la crise syrienne que soutiennent de nombreux pays. S’y présenter sans éléments de pression serait absurde. D’où l’activisme de l’Occident à vouloir s'y présenter forts d'arguments leurs permettant de soutirer un maximum de dividendes. Ce qui explique qu'en même temps, les Américains s’activent, parallèlement, à vouloir armer plus et mieux les «rebelles» et à instaurer une zone d'exclusion aérienne. Ce contraste ne peut que viser à éloigner l’échéance de la conférence dans l’espoir, sans aucun doute, de gagner du temps afin de glaner des cartes de pression politique plus avantageuses, via ses troupes. Un certain Driss Salim, du commandement de l’ASL, aurait promis de défaire les forces armées syriennes en… six mois si l’Occident lui fournit les armes nécessaires. Les Américains n’étant pas dupes, il est fort probable que leur plan prévoit une option plus handicapante visant à éterniser la présence des terroristes à l'intérieur et autour de la Syrie en créant un foyer permanent prêt à en faire usage à tout moment et ce, à défaut de la victoire immédiate souhaitée.
Nous avons donc, après plus de deux ans :
– une Syrie engagée dans une guerre sanglante contre une «rébellion» hétéroclite composée de milliers d’éléments étrangers soutenus militairement et financièrement par une coalition de pays impérialistes pro-sionistes, la Turquie, le Qatar et l’Arabie Saoudite appuyés par des ONG affidées et des milieux religieux musulmans sectaires ;
– une domination de l’armée syrienne sur le terrain des combats et des groupes armés, composés de plusieurs nationalités, en débandade ;
– un camp agresseur dans une grande confusion et indécis qui veut armer, pour «équilibrer les forces» dit-il, des groupes dont il craint qu'ils se retournent contre lui tout en spéculant sur une intervention militaire directe hasardeuse ;
– une Turquie d’Erdogan qui se retrouve dans la situation de «l’arroseur-arrosé» qui n’arrive plus à finir sa mission de déstabilisation de la Syrie ;
– une Égypte de Morsi – empêtrée dans des problèmes économiques, sociaux et institutionnels – qui se permet de suggérer sa disposition à assumer le rôle de la Turquie par des signaux en coupant toute relation avec la Syrie et en affichant son intention d’impliquer son armée. Chose que les hautes instances militaires jugent irréalisables contre tout pays «frère» ;
– deux puissants blocs qui s’affrontent pour un partage d’influence et d’intérêts. L’un croyant à la force militaire pour pouvoir étendre son hégémonie et l’autre qui veut montrer que le monde n'est plus unilatéraliste et qu’il est vain d'en nier l’évidence au risque d’un conflit généralisé.
Il faut être aveugle pour ne pas voir, à travers la guerre imposée à la Syrie de l’extérieur, une volonté de tailler à la hache toutes les nations de la région pour les affaiblir, les piller, les assujettir pour des siècles de «transition démocratique».
Amar Djerrad
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