Le cadeau de papa
L’alternance à la mode qatarie est donnée par cette information qui a déjà fait le tour du monde : l'émir du Qatar, Hamad ben Khalifa Al-Thani, qui était arrivé au pouvoir en juin 1995 à la faveur d'un coup d'Etat contre son père, a annoncé qu'il abdiquait en faveur de son fils, le prince héritier Tamim. Comme nous l’avons souligné dans un précédent article (Algeriepatriotique, 8 juin 2013), c’est son échec en Syrie et la mauvaise posture dans laquelle se trouvent tous les pays qu’il a déstabilisés – la Tunisie, la Libye et l’Egypte – qui ont joué contre l’émir déchu. Il est inutile de chercher dans cette forme de passage du pouvoir du père au fils, dans les deux cas (le coup d’Etat ou l’abdication), la moindre trace d’une quelconque élection, la décision est autocratique. Les médias qui relaient complaisamment les «leçons» de démocratie que les dirigeants occidentaux donnent aux peuples arabes ne manqueront pas de présenter ce passage du témoin comme un symbole en la matière. En fait, cette «abdication» s'inscrit en droite ligne dans la politique dictatoriale de la famille régnante. On ne sait même pas ce que veut le peuple qatari, où est-il d’ailleurs ? Il est complètement absent sauf dans les médias qui nous annoncent que les Qataris sont invités mardi et mercredi à «prêter allégeance» au nouvel autocrate et qui semblent trouver tout cela «normal». Personne n’est surpris par ce cours des événements, le Qatar a acheté et mis sous sa coupe, en Occident et dans les pays arabes, des soutiens extérieurs qui font volontiers campagne en sa faveur à n’importe quelle occasion. Nous ne sommes pas à une contradiction près et les pays occidentaux ne s’en embarrassent guère. N’ont-ils pas décidé, Etats-Unis en tête, d’armer en Syrie les groupes d’Al-Qaïda qu’ils combattent ailleurs et qui ont servi de prétexte aussi bien à l’occupation de l’Irak et de l’Afghanistan qu’à l’intervention au Sahel ? Cette contradiction a bien été exprimée par un sénateur républicain américain qui a dit à ses dirigeants, à propos de l’aide aux «rebelles syriens» : «Vous financerez les alliés d'Al-Qaïda.» Champions de la démocratie et soutiens de l’autocratie, champions de la lutte anti-terroriste et fournisseurs d’armes à Al-Qaïda. «C'est une ironie du sort contre laquelle vous ne pouvez rien faire.» Le commentaire est du même sénateur américain.
Kamel Moulfi
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