Trois armées arabes sous la botte des islamistes
La désintégration qui menace aujourd’hui les armées du monde arabe fait planer le spectre de nouvelles guerres civiles. Il y a d’abord le cas de l’armée égyptienne, laquelle, après avoir longtemps réussi à arbitrer une scène politique tiraillée par des courants antagoniques et qui, pour une majorité d’Egyptiens, constitue le dernier rempart contre le péril islamiste, se voit aujourd’hui instrumentalisée par les Frères musulmans, ses ennemis historiques. Au nom de la «sauvegarde de la révolution», les islamistes la poussent à intervenir contre les grandes manifestations du 30 juin pour demander le départ de Mohamed Morsi et la fin du règne de sa confrérie. Une façon pour eux de noyer l’institution militaire dans le jeu politique et de la discréditer aux yeux de l’opinion publique. C’est presque chose faite, puisque le chef d’état-major, le général Al-Sissi, se dit d’ores et déjà prêt à réagir contre «toute tentative de division ou de sédition». En Tunisie, l’état-major de l’armée s’est complètement ridiculisé lors de sa première épreuve face aux groupes islamistes armés, au point que son homme fort, le tombeur de Ben Ali, le général Rachid Ammar, s'est trouvé poussé vers la sortie par la petite porte. Une démission qui en dit long sur la vulnérabilité de l’armée tunisienne, au moment où elle doit affronter une déferlante salafo-terroriste sur son sol. Là aussi, les islamistes sortent gagnants. Le cas de la Libye est encore plus grave, symptomatique d’une dérive sans nom. Les différentes milices armées issues de la rébellion contre Kadhafi empêchent méthodiquement la constitution d’une armée régulière, trois ans après la chute de l’ancien régime. Le ministre de la Défense vient juste d’être limogé suite à de nouvelles attaques contre des positions militaires, à Tripoli même. Cette situation a permis à Al-Qaïda et à ses nombreuses filiales locales de transformer ce pays en nouveau sanctuaire du terrorisme international, risquant, à la longue, de mener à de nouvelles interventions militaires étrangères dans ce pays dévasté, cette fois-ci au nom de la lutte contre le terrorisme. Une option d’ailleurs discutée très sérieusement au niveau de certaines chancelleries occidentales, là même où fut décidée, il y a trois ans, la mise à mort de l’armée libyenne.
R. Mahmoudi
Comment (12)