Quel rôle pour la diaspora algérienne ?
Tel que défini par les lois, le rôle des représentations consulaires et culturelles de notre pays est d’assurer la protection des personnes et des biens de la communauté algérienne, de promouvoir les intérêts économiques, politiques et culturels de l’Algérie et de délivrer les documents officiels nécessaires. Force est de constater qu’à l’exception du dernier point, et là encore, il suffit de se présenter dans l’une de nos institutions pour constater le manque total de respect des agents censés être au service de leurs compatriotes et comprendre que l’Algérien a plus envie de fuir ceux qui le représentent que de s’en approcher, et en dehors de quelques appels au vote à certaines élections, la communauté est complètement abandonnée à elle-même.
Toute vision ou approche des domaines économique, social et civilisationnel est évacuée par les personnes en place au profit d’intérêts personnels. La réalité du terrain montre un profond fossé entre «le dire et le faire». Les promesses médiatisées à outrance sont toujours mises dans les tiroirs, à sortir comme programme à chaque occasion politique en Algérie comme dans le pays d’accueil. Que ce soit une crise économique avec son lot de chômeurs ou une échéance électorale avec ses alibis sécuritaires, on observe des réactions xénophobes dans les pays européens de la part d’une certaine population de ces pays. Les actes de racisme, le délit de faciès envers les Algériens en France sont légion, particulièrement durant ces périodes de crise. Nos représentants font comme si rien ne se passait ou comme s’ils n’étaient pas concernés. L’immigration a changé de visage. Celle manuelle de nos aînés est en voie de disparition et laisse place à une immigration marquée par un niveau intellectuel et culturel élevé. Une grande partie de cette immigration est jeune, vit en famille et au vu de la situation actuelle en Algérie, l’abandon du mythe du retour s’impose (sauf pour un nombre très restreint). Dans le cadre de cette dynamique d’installation définitive, les Algériens à l’étranger ne vivent pas, pour autant, une situation de rupture avec l’Algérie. Malgré les distances, les liens avec le pays demeurent intacts. Pour s’en convaincre, il suffit d’aller dans les aéroports et les ports algériens durant les vacances ou simplement se rappeler certains moments importants durant lesquels ils se sont présentés en masse dans les bureaux de vote. Il ne faut jamais oublier que chaque Algérien où qu’il soit et quelle que soit sa situation est une partie de l’Algérie. Par conséquent, il faut réfléchir aux différentes façons d’en faire bénéficier le pays. Pour cela, il faut d’abord restaurer la confiance détruite entre l’Algérien, son pays et surtout ses représentants officiels dans les différents pays d’accueil. Il est nécessaire d’intervenir à certains niveaux pour les aider à préserver leur dignité et par ricochet, à rehausser l’image de l’Algérie. Les institutions et les politiques existent, mais nos représentants à l’étranger sont souvent des incompétents, occupés uniquement par leurs propres intérêts. Dans certains cas, la responsabilité incombe à des responsables basés en Algérie. C’est le cas au niveau du transport des Algériens et l’énorme déséquilibre entre la demande toujours croissante et une offre limitée créant des problèmes inutiles et pourtant faciles à régler. Il suffit d’observer ces images désolantes des aéroports et des ports en périodes de pointe pour s’en convaincre. L’image du pays est écorchée et la confiance des Algériens en leurs responsables toujours au plus bas. Si l’on ajoute à cela les conditions déplorables de l’accueil reçu au pays, on comprend les attitudes répulsives que cela engendre et le climat de suspicion et de méfiance envers les services publics, renforcés en cela par un traitement très inégal d’une personne à une autre ainsi que l’interventionnisme extérieur aux services concernés qui en accentue l’injustice. Malgré cela, les Algériens à l’étranger ont l’amour du pays chevillé au cœur et y reviennent toujours.
Solutions
– Restaurer la confiance : c’est la clef de voûte sans laquelle rien n’est possible et ne se fera qu’avec un vrai rapprochement avec les Algériens à l’étranger et une réelle prise en charge de certains de leurs problèmes, pas seulement rapatrier des corps même si cela est important du renforcement du lien affectif ;
– intervenir auprès du pays d’accueil quand les conventions le permettent et le rendre visible aux Algériens. Il n’y a aucune raison pour que des personnes qui participent au progrès du pays d’accueil et payent leurs taxes et impôts comme les autres soient traités de façon discriminatoire ;
– donner toute l’information disponible aux citoyens pour leur permettre de réclamer leurs droits ;
– écouter leurs doléances et répondre à leurs questionnements ;
– mettre en place des garde-fous afin de réduire ou d’éviter les abus et l’arbitraire dans l’administration- instaurer un système de reddition de compte clair et mettre chacun devant ses responsabilités en cas de mandat défaillant ;
– créer une instance auprès du consulat, du centre culturel ou tout autre organisme pour aider les ressortissants algériens à comprendre le fonctionnement complexe de la société d’accueil, leurs droits et devoirs conformément aux conventions, règlements, etc. régissant la globalité de l’établissement dans ces pays (aspects politiques, économiques, sociaux, etc.) ;
– renforcer les associations existantes et aider à en créer d’autres pour être partout près de l’Algérien et le soutenir en cas de besoin ;
– renforcer la solidarité et le lien affectif entre le pays d’origine et le pays d’accueil par des jumelages, une coopération linguistique et culturelle (par exemple, aider les élèves qui désirent parfaire leur arabe de partir en Algérie afin de renforcer le lien avec le pays ; organiser des concours thématiques en rapport avec l’histoire et la culture de l’Algérie en offrant des voyages au pays en relation avec ces thèmes) ;
– sauvegarder et valoriser le patrimoine culturel à travers les générations dans le but d’entretenir notre identité et faire face à une assimilation inévitable si on ne fait rien contre ;
– renforcer l’offre des cours de la langue nationale aux enfants de la communauté avec le concours de membres qualifiés, recrutés localement (l’envoi d’enseignants d’Algérie à partir de 1975, formalisé par l’accord de Décembre 1981, n’a pas donné les résultats escomptés). La reprise de l’organisation de cours d’animation culturelle, en particulier en France, avec le concours de jeunes ou d’étudiants formés sur place. Cette action a été supprimée dès la fin des années 80 ;
– repenser le Centre culturel algérien à Paris dont le fonctionnement et la programmation actuelle sont loin de répondre aux besoins de la communauté et à sa mission principale de centre de rayonnement de la culture algérienne : encourager l’organisation de galas, expositions, projections de films, conférences, prises en charge en particulier par les associations avec l’aide du Centre culturel. Offrir des ateliers d’écriture et de lecture bilingues.
-Créer un ciné-vidéo-club ;
– organiser des colonies de vacances pour des jeunes de 9 à 14 ans et des voyages «découvertes de l’Algérie» pour les jeunes de 18 à 25 ans. Ces actions ne sont plus organisées depuis la fin des années 1980, ce qui est fortement regrettable ;
– créer des programmes culturels dans ce sens et les faire diffuser par les associations, le centre culturel, la radio, Internet, la télévision (chanson, théâtre, cinéma, danse, arts culinaires, etc.) ;
– aider à créer des radios F. M. de proximité ou un journal communautaire ;
– valoriser la créativité et l’innovation avec des professionnels du domaine plutôt que de se concentrer seulement sur la gestion en faisant appel à des bureaucrates qui n’ont rien à voir avec la culture.
Conclusion
L’Algérien qui vit à l’étranger n’oublie jamais son pays même lorsqu’il a pris une double nationalité. Ses attaches avec son pays sont enracinées profondément dans son cœur et son âme. Ce sont les gens qui le représentent et avec qui il n’a aucune affinité qui l’obligent quelque fois à lui tourner le dos. De plus, le pays a besoin de tous ses enfants et ses représentants doivent trouver les voies et moyens afin de faire profiter l’Algérie de l’apport de tous ses enfants et de considérer le rôle des immigrants comme prédominant dans les relations entre l’Algérie et le pays où ils vivent. En restaurant la confiance entre les immigrés et ceux qui les représentent, en accordant aux immigrés la considération qu’ils méritent, en étant près d’eux dans les situations difficiles et en les aidant à s’unir, on pourra en faire un lobby assez puissant pour changer des décisions politiques dans l’intérêt de l’Algérie. Beaucoup d’Algériens ont une double citoyenneté et donc le droit de vote dans le pays d’accueil. Leurs représentants se doivent de les aider à s’organiser afin de former un lobby et leur fournir des informations ou des mots d’ordre pour choisir les décideurs qui respectent l’Algérie, à les sensibiliser pour qu’ils participent à des manifestations pour mobiliser l’opinion publique sur le traitement du «deux poids, deux mesures» sur certains dossiers comme la reconnaissance par la France du génocide arménien et l’oubli du génocide algérien. Un lobby fort peut faire pression sur une classe politique pour changer leur perception quant à l’Algérie. En Amérique du Nord, c’est une pratique courante. Des associations envoient des informations dans le but de boycotter des commerces pro-Israël ou de voter contre les hommes politiques qui soutiennent ce pays. Pour cela, l’Etat algérien doit prendre des mesures sérieuses pour accompagner cette immigration et l’encourager réellement et sincèrement. Si l’image de «l’immigré» est dénigrée par ses propres frères, il ne faut pas s’attendre à ce qu’elle soit respectée par les autres. Chaque immigré algérien dénigré est une partie de l’Algérie qui est dénigrée. Ces mesures n’auront de l’impact que si les hommes qui doivent les appliquer sont intègres, honnêtes et aiment vraiment leur pays ; pas seulement en paroles. Par conséquent, le choix des hommes et des femmes est fondamental pour restaurer la confiance et éduquer en montrant l’exemple par l’acte avant la parole. Le mot clé de toute solution est de regagner la confiance des Algériens en mettant la personne humaine au centre de toute réflexion, de toute politique et de toute décision. Cela ne peut se faire que par des responsables compétents avec un sens aigu de l’effort, une abnégation sans limite au service des autres et un esprit de justice pour tous et surtout envers ce grand pays qui est l’Algérie.
Ismail Guellil
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