Intervention de l’armée contre les islamistes en Algérie et en Egypte : différences et similitudes
Les événements qui viennent de se dérouler en Egypte présentent tellement de ressemblances avec ce qui s’est passé dans notre pays en janvier 1992 que l’on est tenté de faire le parallèle entre les deux situations qui ont également des différences toutefois. On retrouve le même clivage qu’en Algérie, il y a plus d’une vingtaine d’années, entre deux projets de société antagoniques, avec l’opposition irréductible entre les Frères musulmans et leurs alliés salafistes, d’un côté, dont l’objectif est l’Etat théocratique, et les partisans d’un Etat moderne et démocratique, de l’autre. La situation économique fortement dégradée en Egypte, et sans perspective d’amélioration perceptible, qui en fait un pays très dépendant de l’aide étrangère, constitue une des différences avec l’Algérie.
Egypte : des institutions fortes aux côtés de l’armée
C’est d’ailleurs ce qui explique l’attitude prudente de l’armée égyptienne qui affirme avec insistance qu’aucune force n’est exclue du processus de transition qu’elle a ouvert avec sa feuille de route. Certes, mercredi soir, le président déchu a été arrêté et conduit au siège du ministère de la Défense, tandis que ses conseillers ont été assignés à résidence, mais, en même temps, le président égyptien par intérim Adli Mansour a invité les Frères musulmans à participer au processus lancé par l’armée. Celle-ci peut compter, en dehors des partis politiques, sur la majorité de la population qui veut la stabilité pour sortir de l’état dégradé la situation économique et sociale. Il faut noter qu’avant de décliner leur feuille de route, les dirigeants de l’armée ont procédé à une vaste consultation parmi les institutions civiles et religieuses. Cela nous rappelle que tous les témoignages sur la période difficile vécue en Algérie à la veille de l’interruption du processus électoral en 1992 attestent du travail de concertation menée par l’armée algérienne avec les dirigeants politiques et la société civile. La différence avec l’Algérie, c’est que les institutions, en Egypte, sont restées fortes, et, avec l’ensemble des sphères de la société égyptienne, elles font corps avec leur armée.
En Algérie : un deal secret avec les islamistes en 1992
En Algérie, des partis politiques, le FLN et le FFS, pour ne pas les nommer, avaient conclu un deal avec le FIS, comme cela a été rappelé par Algeriepatriotique dans un éditorial daté du 23 juin 2013, qui commentait un entretien accordé par Madani Mezrag au quotidien Echorouk. En fait, il s’agissait de véritables aveux de Madani Mezrag sur ce deal : le FIS et le FLN s’étaient mis d’accord pour désigner Hocine Aït Ahmed président de l’Assemblée nationale ; le FIS, le FLN et le FFS étaient convenus de maintenir le président Chadli Bendjedid à la tête du pays ; ce dernier avait chargé un responsable du FLN, Abdelkader Hadjar, de négocier avec le FIS. En Egypte, les partis politiques et les institutions n'ont pas essayé de jouer avec le feu de cette manière. Leurs postions aux côtés de l’armée ont été exemptes de calculs politiciens et ne sont pas motivées par une course au koursi, c’est le salut national qui a primé.
Egypte et Algérie : un coup d’Etat ?
Encore une différence entre ce qui s’est passé hier en Egypte, un coup d’Etat qui ne dit pas son nom, et en Algérie, où l’armée a été accusée d’avoir fait un coup d’Etat en janvier 1992 en interrompant un processus électoral qui allait conduire au pouvoir les fossoyeurs de la démocratie, lesquels avaient annoncé leur nature violente pas seulement dans les prêches mais y compris dans des actes. Des lecteurs – auxquels on ne peut reprocher d’avoir la mémoire courte, puisque les faits dont il s’agit remontent à près de 25 ans, c’est à dire une génération – ont oublié ou ignorent carrément que les Algériens ont exprimé leur opposition à l’arrivée des islamistes au pouvoir dès que leur intention a commencé à devenir évidente. Il suffit de citer la marche du 10 mai 1990 contre l’intégrisme, qui s’est déroulée, à Alger, de la place du 1er-Mai à la place des Martyrs, organisée par les partis démocrates. C’était une grande manifestation avec des milliers de participants. Il n’y a pas eu les millions sur toutes les places des grandes villes, mais il serait injuste de penser que le peuple algérien a laissé faire les islamistes sans réagir. La similitude se prolongera-t-elle dans une décennie sanglante comme celle qu’a connue l’Algérie au bout de laquelle le terrorisme a perdu la partie ? Cette éventualité est envisagée sérieusement par les experts qui ignorent quelle ampleur prendra cette phase du terrorisme que les islamistes égyptiens ont annoncé.
Karim Bouali
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