Sonatrach perd le contrôle de grands projets
Eclaboussée par plusieurs affaires de corruption qui sont traitées par la justice, la compagnie nationale Sonatrach est en passe de perdre totalement le contrôle de nouveaux grands projets en cours de lancement. Ces projets sont gérés par ses partenaires étrangers selon leurs propres intérêts, écartant des firmes et ramenant d’autres. Tout ça, avec, bien entendu, des complicités internes au sein de la société nationale, souligne une source très bien informée, qui parle d’une enquête en cours. Il s’agit de déterminer les responsabilités de chacun de ces «cadres du groupe qui sont là depuis une vingtaine d’années et qui manipulent la réglementation selon leurs propres intérêts et au profit de certaines multinationales». Notre source fait état ainsi d’«un jeu malsain» dans le projet gazier de Touat, dans la wilaya d’Adrar. Un projet de deux milliards de dollars lancé en partenariat avec le français GDF-Suez selon les termes de l’ancienne loi sur les hydrocarbures 86-14, qui fait de GDF-Suez l’actionnaire principal (65%). Sonatrach se contente de 35%. Mais le problème n’est pas là. Notre source affirme que les premières pré-qualifications ont été «étrangement et sans raison objective» annulées par le PDG de Sonatrach, Abdelhamid Zerguine, «sous la pression du ministre de l’Energie, Youcef Yousfi». Le seul argumentaire avancé pour justifier cette «annulation» est qu’«il n’y avait pas suffisamment de soumissionnaire». Pourtant, il y avait plus de participants que pour le projet de Timimoun, développé aussi en association avec un autre groupe français, Total en l’occurrence. Les premières consultations ont été lancées au début 2011, selon la procédure habituelle. A l’époque, Noureddine Cherouati était encore PDG. Des compagnies ont été pré-qualifiées. Mais après le départ de Cherouati, «tout s’est effondré», soutient notre source. Abdelhamid Zerguine a ainsi requalifié 15 entreprises. Pourquoi autant d’entreprises pour ce projet ? Notre source indique que la seule motivation de cette opération était de pré-qualifier le géant sud-coréen Samsung. Ce Groupe partage beaucoup d’intérêts à l’internationale avec le japonais JGC, la compagnie britannique Petrofac ou encore les groupes français Total et GDF avec lesquels il développe des projets notamment en Iran. Selon notre source, ces compagnies pétrolières se sont constituées en «un bloc solide et solidaire» qui, grâce à leurs entrées à Sonatrach, contrôlent entièrement les projets, manipulent à leur guise la réglementation pour éliminer telle ou telle compagnie. Ainsi, JGC, Samsung et Petrofac sont présents dans quatre projets d’une valeur globale dépassant les 4 milliards de dollars qui vont être attribués bientôt. Ces projets sont celui de Central Area Field Complex (CAFC) développé en association par le groupe italien ENI et la Sonatrach (500 millions de dollars), le projet d’Alrar (In Amenas) (700 millions de dollars) développé exclusivement par Sonatrach et de celui de Timimoune lancé en association avec Total pour un montant de 800 millions de dollars. A cela s’ajoute bien évidemment celui de Touat. Des entreprises comme l’italienne Technimont, la sud-coréenne GS Group, 4e compagnie au monde, sont éliminées de ces projets sur proposition de Total et GDF notamment, dégageant ainsi la voie aux groupes JGC, Samsung et Petrofac. Toutes ces manipulations se font sans que Sonatrach ne lève le petit doigt. Etrange !
Sonia Baker
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