Mezri Haddad à Algeriepatriotique : «Les conditions d’une destitution de Marzouki sont plus puissantes en Tunisie»
Algeriepatriotique : Selon le magazine Afrique Asie, vous auriez rencontré, il y a deux mois, deux officiers de l’armée tunisienne dans un pays frontalier. Confirmez-vous cette information ?
Algeriepatriotique : Selon le magazine Afrique Asie, vous auriez rencontré, il y a deux mois, deux officiers de l’armée tunisienne dans un pays frontalier. Confirmez-vous cette information ?
Mezri Haddad : A supposer que cela soit vrai, en quoi ce serait choquant ou suspect ? Des civils et des militaires ont parfaitement le droit de se rencontrer pour discuter ou échanger des vues sur la musique, la poésie, la philosophie, l’œuvre de Sun Tzu ou Clausewitz, l’histoire d’Hannibal ou d’Ibn Khaldoun… Que sais-je encore ! La liberté de fréquentation, comme la liberté d’opinion et comme la liberté de circulation, relève des droits de l’Homme les plus élémentaires. Je fréquente donc qui je veux, quand je veux et où je veux.
Le renversement de Mohamed Morsi et du pouvoir des Frères musulmans en Egypte aura-t-il un impact sur la Tunisie ?
Certainement, mais pas de la même ampleur qu’on s’imagine, ni avec les conséquences que beaucoup souhaitent et que certains redoutent. Il faut les mêmes causes pour avoir les mêmes effets. Si les conditions politiques, sociologiques et géopolitiques étaient les mêmes dans les deux pays, c’est en Tunisie que cela aurait dû se passer d’abord et non guère en Egypte. Les Tunisiens ont nettement plus de raisons de chasser Moncef Marzouki que les Egyptiens de se révolter contre Mohamed Morsi. Après tout, et même si son éviction me réjouit, ce dernier a été démocratiquement élu au suffrage universel. A l’inverse de la Tunisie, il y a eu en Egypte des élections législatives, ensuite présidentielles ; il y a eu une nouvelle Constitution, un nouveau gouvernement. En Tunisie, la mascarade électorale du 23 octobre 2011 n’était ni législative ni présidentielle. Pris dans la tourmente pseudo-révolutionnaire, les Tunisiens ont été «consultés» pour élire une Constituante. Dans la limite d’une année, l’assemblée folklorique qui en est issue devait rédiger une nouvelle Constitution, comme si l’ancienne (1959) était anachronique ou désuète. Cette assemblée a donc perdu toute légalité le 23 octobre 2012. D’un point de vue strictement légal et juridique, tout ce qui émane de ce conglomérat de profiteurs et d’incompétents est par conséquent nul et non-avenu. Quant à la légitimité du docteur Marzouki, le moins qu’on puisse dire est qu’elle est leucémique, plus exactement ghannouchienne. Si insignifiant soit son pouvoir, on n’a pas le droit de présider la Tunisie lorsqu’on a obtenu 7 000 voix à Nabeul, et que le score obtenu par le Congrès pour la République est dû à une escroquerie électoraliste, puisque le parti Ennahda a dopé sa ramification «laïque» : le CPR. N’eut été ce stratagème, le CPR aurait fait un score inférieur à celui de Hamma Hammami. Il n’y a donc pas une troïka qui gouverne, comme certains continuent à le dire par ignorance ou par duperie, mais un seul parti, celui des Frères musulmans locaux, avec une vitrine «laïque» (CPR) et une vitrine socialisante (Ettakatol). C’est pour vous dire que les conditions objectives d’une destitution de Marzouki et d’un rejet de la secte d’Ennahda étaient plus puissantes en Tunisie qu’en Egypte, que par conséquent, c’est la géopolitique qui a été déterminante en Egypte et non guère la situation politique interne. En termes plus clairs, le séisme politique en Egypte est la conséquence de causes exogènes plus que de causes endogènes. Pour être encore plus précis, deux faits ont été déterminants. D’une part, l’éviction des deux Frères musulmans qui dirigeaient le Qatar, Hamad Ben Khalifa et Hamad Ben Jassim, qui ont joué un rôle prépondérant dans la déstabilisation de la Tunisie et de l’Egypte, dans la destruction de la Libye et dans le saignement de la Syrie. D’autre part, la résistance héroïque du peuple syrien face à l’invasion islamo-fasciste. Ces deux faits majeurs ont complètement changé la donne, pas seulement en Egypte mais, à court terme, dans l’ensemble du monde arabe.
Propos recueillis par Mohamed El-Ghazi
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