La chute de Morsi va-t-elle entraîner celle d’Erdogan ?
Rien ne va plus entre l’Egypte et la Turquie. Le porte-parole du ministère égyptien des Affaires étrangères, Badr Abdelat, a confirmé, dans un entretien diffusé par la chaîne de télévision Russia El-Youm, la convocation de l'ambassadeur de Turquie au Caire pour protester contre l'ingérence turque dans les affaires intérieures de l'Egypte. Les dirigeants turcs ont multiplié les déclarations hostiles au nouveau pouvoir en Egypte. D’abord, dès vendredi 5 juillet, le premier ministre turc, Recep Tayyip Erdogan, a condamné la destitution de Morsi par l’armée égyptienne qualifiée de «coup d'Etat inacceptable». Lui emboîtant le pas, le vice-Premier ministre Recep Bozdag a déclaré que «le changement de pouvoir en Egypte n'est pas résultat de la volonté du peuple. Il ne s'inscrit pas dans le respect de la démocratie et de la loi». Puis, lundi 8 juillet, c’est le ministre des Affaires étrangères turc, Ahmet Davutoglu, qui a condamné le «massacre», par l’armée, des manifestants islamistes pro-Morsi. Un axe Le Caire-Ankara avait commencé à être mis en place par Morsi et Erdogan, dont la première cible était non pas Israël, mais évidemment la Syrie. La Turquie a été depuis le début du conflit en Syrie un des principaux pays animateurs de la coalition anti-Assad. Le gage donné à Erdogan a été la rupture des relations diplomatiques avec la Syrie, décrétée par le président égyptien Mohamed Morsi. Les Frères musulmans avaient même appelé à lancer un djihad contre la Syrie. Avec la destitution de Morsi, la situation est complètement renversée. Quatre journalistes turcs ont été arrêtés mardi au Caire par les forces de l’ordre égyptiennes, minutieusement fouillés, jusqu’à leurs chaussures, les yeux bandés, les mains menottées, puis ont été emmenés dans un endroit inconnu avant d’être libérés sur intervention de l’ambassadeur turc. La destitution de Morsi fait perdre à la Turquie un allié précieux et aggrave son isolement par rapport à l’Union européenne et les Etats-Unis qui ont été plus prudents en évitant de qualifier l’intervention de l’armée égyptienne de «coup d’Etat». L’isolement d’Ankara avait commencé avec les grandes manifestations populaires de contestation du pouvoir d’Erdogan dont la répression sauvage lui a valu la condamnation de ses amis occidentaux. Les jours d’Erdogan, de plus en plus isolé sur la scène internationale, sont-ils comptés ?
Kamel Moulfi
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