Chakib Khelil risque d’échapper à la justice algérienne
L’instruction des deux principales affaires de corruption à Sonatrach risque de durer encore plus longtemps que prévu. Les juges en charge de ces deux affaires, qui s’attaquent à une montagne de dossiers, s’empêtrent dans des détails techniques délicats, a-t-on appris d’une source proche du dossier. L’examen de ces dossiers relatifs, entre autres, aux diverses procédures de passation de marchés et aux liens existant entre des sociétés étrangères activant en Algérie et des sous-traitants nécessite «une grande expertise et un esprit de synthèse très poussé», a ajouté notre source qui estime que la justice algérienne, dont la spécialisation ne fait que commencer, fait face pour la première fois à «des affaires de corruption aussi sophistiquées et aussi complexes, avec des ramifications transnationales difficiles à remonter». La complexité de ces affaires réside dans la difficulté trouvée à remonter la filière. Autrement dit, pouvoir aller des premiers accusés, considérés comme de simples exécutants, jusqu’aux têtes pensantes qui ont tout comploté. Pour ce faire, les juges doivent impérativement démanteler la mécanique de corruption mise en place au sein de cette entreprise nationale. Car, a ajouté notre source, «il y a des gens qui ont pu jusque-là échapper à la justice, grâce à leur grande maîtrise de la législation en usant et abusant de ses failles et en contournant à leur gré la réglementation». Il faut donc fouiller davantage et étudier le moindre détail pour détecter l’anomalie et découvrir son origine. Un véritable travail de Titan qui, s’il aboutit, permettra à la justice de faire tomber l’ensemble de la filière et mettre sous les verrous «tous les escrocs en bande organisée». Rien que dans l’affaire Saipem, il s’est avéré que cette dernière, filière du groupe italien ENI, n’a pas versé directement les pots-de-vin aux agents de Sonatrach. Elle a fait appel à une faune de sous-traitants à la comptabilité moins transparente pour effectuer les virements sans soulever de soupçons. Qui sont ces sous-traitants ? Comment ont-ils opéré ? Où ont-ils effectué les virements ? Par quel réseau financier ? Idem pour l’affaire dite Sonatrach 2, relative au marché de la centrale électrique de Hadjrat Ennouss. Les juges doivent trouver des preuves probantes qu’effectivement SNC Lavalin a été favorisée. Comment ? Par qui ? L’ancien ministre de l’Energie et des Mines est cité comme témoin : «Si les juges ne se démènent pas, il n’y aura, d’après notre source, aucune preuve contre lui.» «Ce sont des gens qui ont une haute maîtrise de la réglementation. Quand ils opèrent, ils exploitent toutes les failles des lois de la République. Ils laissent très peu de traces, d’où la difficulté à aller de l’avant», a encore relevé notre source, affirmant que «les juges ne savent plus par quel bout commencer». Il y a, en effet, plusieurs affaires dans l’affaire. Dans ce contexte bien particulier, le ministre de la Justice, Mohamed Charfi, a réagi en assurant que les juges d’instruction accomplissaient correctement leur mission. Le pôle pénal spécialisé près de tribunal de Sidi M’hamed pourra-t-il mener jusqu’au bout ces affaires aussi lourdes par le nombre de hauts responsables impliqués et compliquées par la nature du trafic et des procédés utilisées dans les différentes malversations ? A-t-il tous les moyens matériels et les outils techniques et juridiques pour faire tomber tout ce réseau transnational ? Beaucoup commencent à douter.
Fahim Amraoui
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