Henri Alleg : parcours d’un militant qui dérangeait la France coloniale
Henri Alleg, un nom bien familier à la génération des Algériens qui ont libéré notre pays de l’occupation coloniale, est décédé le 17 juillet suite aux conséquences d’un accident cérébral survenu l’an dernier. De son vrai nom Harry Salem, né le 20 juillet 1921 à Londres, de parents juifs russo-polonais, Henri Alleg est britannique par sa naissance, puis français quand sa famille s'installe au nord de Paris, mais en octobre 1939, il décide de venir à Alger qui deviendra «sa» ville tout comme le peuple algérien sera «son» peuple. Il raconte dans son livre Mémoire algérienne les péripéties qui l’amenèrent à s’installer définitivement à Alger. Il adhère au Parti communiste algérien dont il sera plus tard un membre dirigeant. Il entre à Alger républicain, en 1950, et fera de ce journal, sous sa direction, le premier quotidien à briser le mur qui faisait qu’aucun Algérien ne pouvait être journaliste. Après l’interdiction du journal par les autorités coloniales et la mise hors la loi du Parti communiste algérien, en septembre 1955, il fut arrêté une première fois puis libéré après une incarcération à Serkadji qui dura six semaines. Engagé dans la lutte pour l’indépendance et recherché pour son activité militante, il fut contraint à la clandestinité jusqu’à son arrestation, le 12 juin 1957, chez Maurice Audin, qui avait été arrêté la veille. Une souricière avait été tendue par la police dans l’appartement d’Audin. Henri Alleg est soumis à la torture comme tous les patriotes algériens arrêtés par l’armée française. Mais lui réussit à faire sortir de prison son retentissant témoignage La Question grâce auquel le monde entier prendra connaissance des atrocités commises par l’armée française sur les Algériens qui étaient arrêtés. Détenu à la prison de Serkadji, Henri Alleg écrira un autre livre, Prisonniers de guerre, dans lequel il décrit le calvaire des patriotes algériens qui étaient détenus avec lui. Après l’indépendance, il reprend avec Abdelhamid Benzine et Boualem Khalfa la direction d’Alger Républicain, jusqu’au renversement de Ben Bella le 19 juin 1965. Les arrestations opérées parmi les communistes algériens l’obligeront à fuir en France où il restera jusqu’à sa mort. Durant tout le temps passé en France, Henri Alleg s’est abstenu de toute intervention publique dans la vie politique algérienne. Il était par contre particulièrement actif sur le front de l’Histoire. En 2000, il a signé l'Appel des douze «pour la reconnaissance par l'Etat français de la torture». Dans le message de condoléances adressé à sa famille, le président français, François Hollande, ne manque pas de rendre hommage à Henri Alleg pour être resté «fidèle à ses principes et à ses convictions».
Kamel Moulfi
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