L’histoire bégaie
Par Kamel Moulfi – Il arrive à l’histoire de se répéter. On en a eu une nouvelle illustration à travers les similitudes frappantes entre ce qui vient de se passer en Egypte, ce mois-ci, – la destitution de Morsi et le transfert du pouvoir au président intérimaire Adly Mansour – et ce qui s’est passé chez nous, en janvier 1992, avec l'arrêt du processus électoral. Nous nous sommes, d’ailleurs, trop focalisés sur cet aspect lié au pouvoir et nous avons oublié l'analogie entre l'interférence directe d'entités étrangères dans les deux cas : comme les Frères musulmans, le FIS avait le soutien des Mollah en Iran, du régime pakistanais où Ben Laden sera abattu plus de deux décennies plus tard, du pouvoir islamiste au Soudan dont le prédicateur Al-Tourabi lui servait de porte-voix, l'apport matériel et financier secret de certains pays du Golfe notamment l'Arabie Saoudite, la bénédiction de capitales occidentales au premier rang desquelles la France (qui aujourd'hui même veut armer les terroristes en Syrie), l’asile accordé aux Etats-Unis à des commanditaires de meurtres, etc. L'histoire bégaie. Comme ce fut le cas pour l’Algérie dans les années 1990, les tentations d’ingérences dans les affaires internes de l’Egypte ne manquent pas aujourd’hui. Elles sont tout aussi grossières. Ainsi, l'Union européenne, le plus normalement du monde, pense être autorisée à dicter au nouveau pouvoir en Egypte ce qu’il doit faire. Les ministres européens des Affaires étrangères réunis à Bruxelles ont appelé, hier, à la libération de Morsi et à l'organisation d'élections démocratiques aussitôt que possible. «L'Egypte doit rapidement s'orienter vers un processus de transformation complet et démocratique en organisant des élections démocratiques dans les plus brefs délais possibles», ordonnent carrément les ministres européens qui exigent des «autorités intérimaires» de prendre d'urgence «des mesures pour répondre aux défis sociaux et économiques». Il est douteux que l’Egypte se plie à ces injonctions. Les Egyptiens savent ce qu’ils veulent, ils ne cessent de le clamer depuis le 25 janvier 2011 : pain, liberté, justice sociale et dignité humaine.
K. M.