Situation au Sahel : Jean-Paul Laborde pessimiste
Jean-Paul Laborde, secrétaire général adjoint des Nations unies à la direction exécutive contre le terrorisme, est plutôt pessimiste quant à la menace que représentent les groupes armés qui opéraient au nord du Mali et qui, pourtant, ont été défaits militairement en début d’année par l’intervention franco-tchadienne, comme il le rappelle dans une interview qu’il a accordée au Figaro. Ces groupes ont été sérieusement affaiblis et complètement déstructurés, mais il fait observer que les individus qui les constituaient se sont fondus dans la foule et certains pourraient commettre des actes terroristes «n'importe où, au Sahel ou ailleurs, jusque dans l'Union européenne, en se réclamant d’Al-Qaïda ». Il reconnaît que si la menace, qui était très grave, a été enrayée dans l'immédiat, «le risque zéro n'existe pas». Au contraire, précise-t-il, «le danger, jamais écarté, devient plus difficile à détecter. Paradoxalement, la victoire sur le terrain a entraîné une dilution de la menace». En fait, l’expert onusien constate ce qui a déjà été établi à partir de l’expérience du Yémen, à savoir la flexibilité des groupes terroristes qui peuvent occuper une région, comme ils l’ont fait au Yémen, justement, et ensuite au nord du Mali, en être délogés, avec une impression de mise en déroute, et resurgir ailleurs avec des capacité de nuisances intactes. Al-Qaïda n’a pas besoin de se sédentariser quelque part. Les spécialistes ont montré comment de vastes espaces, comme dans le sud de la Libye, difficiles à contrôler, permettent aux terroristes d’évoluer en toute sécurité et de préparer leurs actes criminels. L’ennemi est «mouvant», rappelle Jean-Paul Laborde qui souligne que les groupes terroristes sont favorisés dans leurs déplacements par l'extrême porosité des frontières. C’est «le grand problème», souligne-t-il. Pour y faire face, il estime qu’«il faut du matériel et des services de renseignements, de douanes et de police formés». Dans le Sahel, où interagissent crime organisé et terrorisme, comme le souligne Jean-Paul Laborde, les Etats ne sont pas suffisamment pourvus de ces moyens, d’où la nécessité de la coopération régionale mise en place avec la participation active de notre pays. L’expert onusien laisse entendre que des actions terroristes qui devaient frapper l’Europe étaient planifiées et préparées par les groupes qui sévissent au Sahel. Avec quels moyens ? Jean-Paul Laborde ne le dit pas, mais tout le monde sait maintenant que les armes qui circulent au Sahel et sont utilisées par les groupes terroristes viennent de Libye et, pour une partie, au moins, ont été livrées par les pays occidentaux dans leur acharnement à en finir avec Kadhafi. Comme ils le font aujourd’hui, en Syrie.
Kamel Moulfi
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