Le général Al-Sissi au Washington Post : «Les Frères musulmans n’ont pas d’esprit patriotique»
Faisant preuve d’une parfaite maîtrise de l’art de la communication, le général Al-Sissi, ministre égyptien de la Défense, a choisi pour son premier contact avec les médias depuis la destitution de Morsi, d’accorder un entretien à un organe américain, le Washington Post, avec la volonté évidente de dire ses quatre vérités justement aux Américains dont il critique vertement la position à l’égard de l’action salvatrice menée par l’armée égyptienne au début du mois dernier. Il s’en prend à l’Administration américaine et particulièrement à Obama qu’il accuse d’ignorer les préoccupations du peuple égyptien. Ce n’est pas dans les habitudes d’un ministre de la Défense égyptien de s’adresser ainsi aux Etats-Unis, mais l’amertume du général Al-Sissi est sans doute trop forte pour qu’il taise les critiques qu’il a à faire à Obama qui passait pourtant pour un allié sûr aux yeux du pouvoir égyptien. Al-Sissi n’a pas digéré le fait que les Etats-Unis n’aient pas soutenu l’Egypte alors qu’elle traversait une période très difficile avec le risque de basculement vers la guerre civile. Il reproche à Obama de ne pas l’avoir contacté, pas une seule fois, depuis la destitution de Morsi, alors que son secrétaire d’Etat à la Défense l’appelle quasiment chaque jour. Il rappelle au Washington Post que ce qui s’est passé en Egypte est le soulèvement d’un peuple libre contre un pouvoir injuste. Il insiste sur le fait que les Frères musulmans n’ont pas d’esprit patriotique ni une quelconque inclinaison au pays. Il n’hésite pas à faire part de ce qu’il a ressenti dès la prise du pouvoir par Morsi qui s’est conduit non pas en président de tous les Egyptiens mais uniquement de ses partisans. Il dénonce le retard mis pour livrer des F-16 à l'Egypte : «Ce n’est pas une façon de se conduire avec notre armée», fait-il savoir à Obama. Mais, en grand stratège, il sollicite, par le biais du Washington Post, les Etats-Unis pour qu’ils fassent pression sur les Frères musulmans sur lesquels ils ont une grande influence pour dénouer le conflit. Le général Al-Sissi rassure tout son monde sur ses intentions et celles de l’armée accusée d’avoir fait un coup d’Etat. Il n’a aucune ambition de pouvoir, mais il insiste : «Si l’armée n’était pas intervenue, la guerre civile aurait été inévitable».
Kamel Moulfi
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