Une citoyenne marocaine à Mohammed VI : «Vous avez offert le corps de onze petits enfants contre le Sahara»
«A tous les pédophiles de la Terre, venez violer nos enfants, venez vous offrir des petits Marocains, dans le plus beau pays du monde, c'est permis, c'est gratuit, c'est joli ! J'étais encore dans le mood ''Hiba, Jihane, souriez ! Vous avez déjà gagné", quand j'ai vu passer les premiers post concernant la grâce royale d'un pédophile espagnol de 63 ans qui aurait violé 11 enfants de 2 à 14 ans à Kenitra et qui a été condamné à 30 ans de prison. Cette grâce serait survenue 18 mois après le verdict. Je me suis dit : bon, ça doit être des inepties(*), c'est trop gros, c'est l'été, il fait chaud, pas d'alcool, les prostituées(*) sont au repos biologique, ils doivent s'ennuyer, ils divaguent, je vais plutôt aller dormir. Au réveil, premier réflexe de tox de Facebook… Mon Dieu, ça se confirme, ça commence à grogner de partout, mais je n'arrive toujours pas à y croire. Je me dis, restons cool, pas encore de source officielle, ça ne peut pas être vrai, c'est gros, c'est beaucoup trop gros. It's a Joke. Just a big Joke. Au fil de la journée, une envie diffuse de vomir que je ne comprenais pas, la grogne sur Facebook continue mais toujours rien d'officiel, puis quelques articles par-ci par-là, puis des discussions avec des amis bien renseignés qui me confirment. Nom de Dieu, il y a des chances que ça soit vrai ! Et puis, quand je n'ai plus pu me mentir, j'ai bogué, vraiment, littéralement. Je ne savais plus comment faire pour réfléchir, pour ressentir, pour raisonner. J'étais comme sonnée. J'ai lu et relu tout ce qui a été écrit ici et là et j'en reste muette de rage et de stupéfaction ; c'est comme quand on assiste à un événement que nos capacités intellectuelles et émotionnelles ne peuvent pas gérer parce qu'elles ne sont pas outillées pour et que tout saute d'un coup. Plus rien, le vide absolu. A l'heure où la société civile se démène(*) pour faire admettre un viol de deux jeunes filles de 17 ans par deux imbéciles dont le plus âgé a 30 ans, où des femmes et des hommes à travers le monde se mobilisent via les réseaux sociaux pour tenter de faire croire à un semblant de justice dans notre pays, une grâce royale vient foutre en l'air toutes ces énergies, ces espoirs et ces volontés. Nous, nous nous battons avec des lance-pierres et aujourd'hui on nous a sorti l'arme de destruction massive. Quand j'entendais le ministre de la Justice dire qu'il avait prévenu le cabinet royal de la présence du nom du pédophile dans la liste à gracier, mais qu'il a simplement reçu l'ordre "d'exécuter" les directives du cabinet royal, j'avais envie de lui dire : "Sinon, toi ça va ? Comment tu te sens ? Tu n'as pas envie de te suicider, là, tout de suite ? Je veux dire, ta fierté, ta dignité en tant que responsable politique, en tant qu'être humain, en tant que Marocain, tu vois de quoi je parle ? Ou c'est un truc que votre gouvernement a définitivement perdu depuis que vous avez baissé votre froc jusqu'aux chevilles ? Des hommes ? Des responsables politiques ? Des musulmans ? Gouvernement islamique ? Foutaise !(*). Puis, j'ai essayé de me calmer un peu pour y voir un peu plus clair. J'ai essayé de taire l'émotionnel et l'affectif pour laisser parler le rationnel. Et mon rationnel m'a dit : ce sont peut-être des cadeaux classiques entre monarques, j'en sais rien moi, peut-être que c'est comme ça que ça se passe, tu me libères un pédophile, je te pistonne pour le Sahara ou pour tes dossiers foireux un peu partout, ou pour tes affaires personnelles, ou pour des trucs dont on ne peut même pas deviner la nature. C'est peut-être le moyen de vider un peu les prisons marocaines de tous ces étrangers nourris aux droits de l'Homme et qui avaient Canal+ avec les films pornographiques(*) le premier samedi de chaque mois dans les prisons de leurs pays et qui risquent de demander la même chose dans les prisons marocaines en ameutant la presse et l'opinion internationale sur le grand luxe de celles-ci. C'est peut-être que là où tout ça se décide. Personne n'en a rien à foutre de rien du tout et des dossiers comme ça passent sans que personne ne s'en rende compte parce que, justement, personne n'en a plus rien à foutre de rien du tout. Et puis, mon rationnel fatigue et me dit : tu sais quoi ? Tu fermes juste bien ta gueule parce que toi, tu es une gentille Marocaine respectueuse de la loi et que la grâce royale est un droit constitutionnel. Eh oui Madame, c'est l'article 34 qui le dit ! Donc tu fermes juste bien ta gueule. Et puis, une image vient me hanter l'esprit, je vois les sales mains de ce psychopathe pédophile de 60 ans sur le corps de onze petits Marocains, qui sont nés au Maroc, nos enfants, nos frères et sœurs, les enfants de nos frères et sœurs, j'essaie de l'imaginer en train d'installer sa caméra pour filmer alors qu'il est en train de les violer(*) ou je ne sais quoi ; je vois du sang, j'entends des cris, je pense aux parents, je vois des vies détruites à vie, et j'essaie d'imaginer : Omar qui avait 14 ans lorsqu'il a été violé par ce monstre(*), en train de se débattre et de hurler de rage et de dépit parce qu'il comprend ce qu'il lui arrive ; Fatima qui avait 11 ans lorsqu'elle a été violée par ce psychopathe, en train d'implorer et d'avoir mal, elle ne comprend pas tout, mais elle a mal ; Saïda qui avait 9 ans lorsqu'elle a été violée par ce pédophile, en train de pleurer pour toutes les raisons du monde ; Rqiya qui avait 8 ans lorsqu'elle a été violée par ce psychopathe, en train crier et d'essayer de comprendre ce qui lui arrive ; la petite Karima qui avait 7 ans lorsqu'elle a été violée, en train de devenir folle ; les petites Aziza, Amal, Intissar et Souad qui avaient 6 ans lorsqu'elles ont été violées en train de mourir ; la petite Hanane qui avait 5 ans lorsqu'elle a été violée par ce monstre(*) – nom de Dieu ! 5 ans, en train de souffrir le martyre et d'appeler sa mère ; la petite Nawal qui avait 2 ans lorsqu'elle a été violée par ce monstre(*) – nom de Dieu ! 2 ans, c'était un bébé, elle a dû saigner, nom de Dieu ! Et l'autre monstre en train de filmer et de jouir… Faire 18 mois de prison et rejoindre l'Espagne. "Extradé" du Maroc. Foutaise !(*) Et je me dis, NON, il n’y a pas de cadeau qui tienne, pas de grâce qui tienne, pas de conneries qui tiennent. Au diable !(*) Je me dis NON, vous avez vendu nos terres, nos richesses, notre travail, vous avez vendu notre jeunesse, notre avenir et nos espoirs, vous avez bradé nos vies, celles de nos parents et de nos enfants, vous avez vendu nos femmes et nos rêves, vous avez même bradé nos morts. Vous nous avez transformés en consommateurs des produits sortis de vos usines et de vos fermes, vous nous avez endettés pour deux générations pour que vos banques s'enrichissent, vous nous vendez un Maroc de rêve pour qu'on vous envoie notre argent de l'étranger, vous avez réduit au silence nos intellectuels, nos poètes, nos artistes et nos journalistes, vous vous êtes débrouillés pour qu'aucune relève politique ne puisse s'imposer à vos désirs, vous avez détruit tout ce que vous avez touché depuis le début, vous torturez, tuez, emprisonnez nos frères et sœurs tous les jours que Dieu fait… Et maintenant, vous voulez même brader nos enfants et leur intégrité, leur innocence et leur équilibre, leur sécurité et leurs petits corps de bébés. Nous valons donc si peu à vos yeux, au point d'offrir les petits corps de nos enfants à tous les détraqués de la Terre parce que l'article 34 vous le permet ? N'y-a-t-il donc aucune limite à vos droits sur nous ? N'y-a-t-il donc aucune limite à vos démonstrations de pouvoir absolu sur nous ? Ni celles de l'humanisme, ni celles de la pudeur, ni celles de la dignité, à défaut de celles du patriotisme ? Nous voyez-vous seulement comme des êtes humains pour nous traiter de la sorte ? Aujourd'hui, nous avons tous les yeux rivés sur vous. Nous attendons.
Marocaine version : "Nous attendons"»
(*) Mots crus remplacés par des synonymes sans en altérer le sens.
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