Turquie : plus de soixante pilotes de chasse démissionnent pour protester contre Erdogan
La tension monte entre Erdogan et l’armée turque. Le ministre turc de la Défense, Esmet Yelmaz, vient de reconnaître que des démissions massives ont touché l’armée de l’air à la suite du procès intenté à des officiers accusés d’avoir fomenté un coup d’Etat contre Erdogan. Il a précisé qu’une centaine d’aviateurs ont abandonné leur poste en l’espace d’un mois en 2013. Entre janvier et février de cette année, période consacrée, dans l’armée turque, aux départs à la retraite et aux démissions, 110 demandes de démission ont été déposées dont 63 émanant de pilotes d’avion de chasse qui relèvent du commandement des forces aériennes. Le ministre de la Défense n’a pas donné les raisons qui ont poussé ces militaires à démissionner mais un journal américain, se référant à des sources parlementaires en Turquie, affirment qu’elles sont en rapport avec les arrestations de centaines d’officiers accusés d’avoir comploté contre le régime d’Erdogan pour le faire tomber. Le journal fait état d’une grande tension dans les relations entre l’armée et le Premier ministre. On parle également de la démission d’un général de l’armée de l’air. Le procès, appelé «Ergenekon» du nom du lieu mythique où la nation turque serait apparue en Asie centrale, a fait passer devant le tribunal plusieurs dizaines de personnes, dont des généraux et des journalistes, qui étaient déjà emprisonnés depuis 2007, accusés d’avoir voulu renverser le Premier ministre issu de l'AKP (islamiste), Recep Tayyip Erdogan, au pouvoir depuis 2002. Le 5 août, la justice a rendu son verdict. Le tribunal de Silivri, à une cinquantaine de kilomètres à l’ouest d’Istanbul, a prononcé de lourdes peines dont 16 condamnations à la prison à vie. Il a notamment condamné à la réclusion à perpétuité l’ancien chef d’état-major des armées, le général Ilker Basbug, pour «tentative de renversement de l’ordre constitutionnel par la force». D’autres anciens généraux, comme l’ex-chef de la gendarmerie Sener Eruygur et l’ex-chef de la Première armée Hürsit Tolon, le journaliste Tuncay Özkan et le chef du petit Parti des travailleurs (IP, nationaliste) Dogu Perinçek ont également été condamnés à la prison à vie. Le journaliste renommé du quotidien de gauche Cumhuriyet Mustafa Balbay, élu pendant sa détention député du principal parti d’opposition, le CHP (pro-laïcité), a été condamné à 35 ans de prison. Egalement élu député du CHP, l’ex-recteur Mehmet Haberal a été condamné à 12 ans et demi de prison. Les observateurs estiment que la justice turque s'est discréditée dans ce procès – «politique», selon eux – par un excès de revanchisme primaire et ils prévoient un automne chaud en Turquie. Des manifestations de protestation ont déjà eu lieu entraînant des heurts avec la police près de Silivri.
Kamel Moulfi
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