L’étrange interview de Chakib Khelil à trois journaux arabophones : «Faux, je ne suis pas américain !»
Trois journaux arabophones ont publié dans leur édition de ce mercredi une interview «exclusive» de l’ancien ministre de l’Energie et des Mines, Chakib Khelil, objet d’un mandat d’arrêt international lancé contre lui par la justice algérienne. Les trois quotidiens, El-Khabar, Echorouk et El-Bilad, affirment avoir contacté eux-mêmes l’ancien ministre, mais la coïncidence des trois entretiens réalisés par téléphone, laisse supposer que Chakib Khelil pourrait avoir lui-même jugé nécessaire de «corriger les nombreuses rumeurs» propagées contre lui et dont il dit ignorer la source. Les déclarations de Chakib Khelil s’assimilent à une copie carbone dans les trois organes de la presse écrite. Il répète à tue-tête qu’il ne porte pas la nationalité américaine, qu’il est innocent de toutes les accusations qui ont été prononcées contre lui et sa famille, s’étonne que sa famille «qui n’a rien à voir avec son activité politique» ait été impliquée dans l’affaire Sonatrach et annonce qu’il est prêt à se présenter devant la justice algérienne sans aucune crainte. Ce qu’il faut retenir néanmoins de ses trois entretiens téléphoniques, accordés à partir de Washington où il réside et se trouve actuellement, ce sont ses explications relatives aux différents dossiers dans lesquels il est cité comme le principal instigateur. Des explications qui préludent un affrontement direct avec les responsables de Sonatrach emprisonnés depuis plusieurs mois. Dans ce qui peut s’apparenter à une première riposte médiatique, Chakib Khelil accuse en des termes à peine voilés les hauts dirigeants de la compagnie pétrolière nationale d’être derrière la passation des marchés incriminés, lesquelles passations «relèvent de leurs prérogatives exclusives», accuse-t-il à son tour. Cette sortie pour le moins inattendue de celui dont le nom est associé à une vaste opération de pillage de l’argent du pétrole algérien par les médias et la rue donne un avant-goût de ce que sera le procès qui s’annonce au moins aussi long et complexe que celui de l’affaire Khalifa. L’ancien ministre de l’Energie se défend d’avoir triché, arguant qu’il a, au contraire, veillé à ce que tout se déroulât dans la transparence et qu’il a, pour ce faire, créé le Baosem, le fameux bulletin des annonces officielles du secteur de l’énergie et des mines. Chakib Khelil, qui nie toute relation avec Farid Bedjaoui, l’autre accusé principal dans l’affaire Sonatrach II, plaide à son corps défendant en faveur de sociétés fort controversées qui avaient défrayé la chronique au début des années 2000, notamment Brown Roots & Condor (BRC), une compagnie pétrolière dont 51% des parts étaient détenues par Sonatrach et 49% par la compagnie américaine Haliburton, dont l'un des actionnaires est Dick Cheney, l’ancien vice-président des Etats-Unis sous Georges W. Bush. L’affaire BRC avait dépassé le stade des banales irrégularités commerciales à celui d’intelligence avec une puissance étrangère, autrement dit d’espionnage au profit des Etats-Unis. «Je suis prêt à coopérer avec la justice algérienne et je regrette toutes ces rumeurs et toutes ces fausses informations qui se répandent sur ma personne et dont j’ignore le dessein. Je dirai tout au juge car je suis innocent et je n’ai fait que défendre les intérêts de l’Algérie», conclut l’ancien ministre de l’Energie et des Mines, dont on ignore quand exactement il sera convoqué à Alger pour être entendu par les magistrats du tribunal d’Alger en charge de ce dossier lourd, très lourd.
M. Aït Amara
Précision : Al-Fadjrpublie également une interview de Chakib Khelil avec, en gros, les mêmes questions et réponses.
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