Comment la mafia a envahi le secteur du transport aérien
Pour trouver une place dans des vols d’Air Algérie et d’autres compagnies vers les destinations touristiques étrangères, c’est la croix et la bannière ! La raison n’est pas que les vols sont pleins. Non. Absolument pas. Cette rareté de places dans les nombreux vols en partance des différents aéroports algériens n’est en réalité que l’œuvre de rabatteurs qui font de la revente des billets d’avion leur nouveau mode d’enrichissement rapide. Ces rabatteurs constituent un véritable réseau d’agences de voyages qui, grâce à des complicités au sein notamment de la compagnie nationale Air Algérie, contrôlent le marché du transport aérien. Par un tour de magie, ces agences arrivent à acheter toutes les places sur les différents vols pour, ensuite, les revendre au prix fort. Leur argument est qu’il y a une forte demande et qu’il est difficile de trouver une place durant cette période de grandes vacances. Ce qui est faux. Ces agences de voyages, qui achètent tout, créent un semblant de pénurie pour faire monter les prix et augmenter considérablement leur marge bénéficiaire. Ainsi, donc, de nombreux voyageurs, qui ne trouvent pas de places au niveau des agences d’Air Algérie et d’autres compagnies aériennes fortement présentes sur le marché national, se retrouvent contraints d’acheter leurs billets d’avion plus cher auprès de ces agences de voyages qui pratiquent des majorations qui peuvent aller jusqu’à 40% pour les destinations lointaines. Les exemples sont nombreux. Selon des données récoltées par Algeriepatriotique, les vols à destination d’Istanbul sont pleins durant le mois d’août. Autrement dit, les compagnies aériennes, Air Algérie en tête, n’ont plus de places à vendre. Cela parce que des agences de voyages ont tout acheté.
Des places au prix fort
Ces agences qui ont pignon sur rue offrent ces places à des prix donnant le tournis à leurs soi-disant «clients privilégiés». Une de ces agences de voyages propose par exemple 9 places Alger/Istanbul/Alger. Date de départ, le 21 août et le retour le 28. Il y a également des places disponibles pour les 27, 28 et le 31 août, proposées par la même agence. Des places que la compagnie elle-même (Air Algérie) n’a étrangement pas. Même chose pour la destination Casablanca. Quand les vols affichent plein auprès des agences de la compagnie nationale, ces agences de voyages ont des places qu’elles proposent à des prix plus chers. Les clients avaient trouvé des places dans les vols du 15, du 17, du 18 août à destination de Casa en les payant beaucoup plus cher. D’autres peuvent prendre les vols du 21 et du 28 du mois courant en achetant leur billet auprès d’une agence bien connue à l’est d’Alger. Etrange que cela puisse paraître, ces agences de voyages ont, on ne sait par quel miracle, des places sur n’importe quel vol qui affiche plein au niveau des différentes agences de la compagnie aérienne. Comment peuvent-elles mettre la main sur autant de places qu’elles revendent à des prix exorbitants ? Pourquoi laisse-t-on faire ? Il est clair que ces agences ne travaillent pas seules. A quel niveau y a-t-il des complicités ? Ces pratiques condamnables, en ce sens qu’elles pénalisent lourdement les voyageurs qui sont obligés de payer plus cher que le prix du marché leur billet d’avion, en disent long sur l’anarchie qui règne dans le secteur, infesté par les prédateurs avides du gain facile. Des pratiques contraires aux règnes de la concurrence et au principe du service public que doivent assurer et garantir les compagnies aériennes. L’absence de contrôle de l’Etat stimule l’appétit gargantuesque des «trabendistes» des vols. Et bien plus.
L’énigme Karnak
Des agences de voyages étrangères exercent leur activité clandestinement en Algérie. C’est le cas de cette boîte turque Karnak International Travel & Tourism qui active dans différents marchés comme agence d’entrée en Europe, en Afrique du Sud, en Extrême et Moyen-Orient. Cette agence qui n’a ni autorisation ni bureau en Algérie offre ses services aux Algériens et leur vend des produits touristiques et des circuits de voyages à travers le monde. Son mode opératoire est simple : elle capte à travers son site internet des clients qu’elle oriente vers ce qu’elle appelle son représentant, une sorte d’«agent de liaison» qui n’a aucune existence légale en Algérie. La transaction se fait à travers cet agent qui se déplace chez le client pour conclure le marché. Elle offre toutes sortes de destinations. En plus de la Turquie, elle propose l’Allemagne, les pays scandinaves, la Suisse, Dubaï, l’Australie, Singapour, la Malaisie et bien d’autres villes qui attirent de plus en plus d’Algériens. Tout cela sans qu’elle paye un sou comme impôt à l’Etat.
Sonia Baker
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