Reportage : pourquoi le terrorisme échouera en Tunisie
Le tourisme a repris de plus belle en Tunisie. Alors que les premières fraîcheurs aurorales annoncent l’arrivée de la rentrée scolaire et sociale, les hôtels continuent d’afficher complet tandis que les places d’avion à destination et au retour de l’aéroport de Tunis-Carthage sont encore une denrée rare. Qu’est-ce qui explique ce boom malgré la crise ? «La crise ? C’est chez nous qu’elle fait des ravages», rétorque, sarcastique, le directeur d’une agence de voyages ayant pignon sur rue à Alger. «Je suis submergé de sollicitations pour la destination tunisienne et je suis loin de pouvoir y répondre», renchérit notre interlocuteur, heureux que les affaires marchent bien et triste de ne pas pouvoir faire plus. Et il ne ment pas. A l’aéroport de Tunis, qu’on eût pu croire désert à la lumière des informations pessimistes que distillent les médias et autres sources malintentionnées, les avions de toutes les compagnies du monde continuent de colorer le ciel tunisien. A l’intérieur de l’aérogare, il est difficile de se frayer un chemin entre les milliers de passagers affairés qui à chercher le bureau de change le plus avantageux pour convertir ses euros, qui à se regrouper autour des très nombreux représentants des agences de voyages venus accueillir leurs clients. Une ambiance qui augure de la situation générale du pays. Ce microcosme donne déjà un avant-goût de ce qu’est la Tunisie vue de plus près et non plus à travers les journaux télévisés excessifs et parfois même mensongers. «Vous savez, avant de venir à l’aéroport, j’étais au Bardo où j’ai assisté au sit-in des démocrates qui demandent le départ du gouvernement islamiste d’Ennahda», confie un ami tunisien. Et il n’est pas le seul à souhaiter que les islamistes puissent participer à la vie politique, mais tout en les empêchant d’étendre leurs tentacules à toutes les institutions et à exercer leur hégémonie comme ont essayé de le faire les Frères musulmans en Egypte. En Tunisie, la société, dynamique et ouverte, vaincra Ennahda sans violence et sans recours à l’armée. Un analyste tunisien est catégorique : «Le gouvernement d’Ennahda est conscient de sa fragilité. Sous la carapace en apparence dure, Ennahda n’est qu’une coquille vide.» Pour cet observateur averti de la scène politique tunisienne, «Ennahda n’a pas d’autre choix que de chercher des compromis pour pouvoir non pas garder le pouvoir, mais s’y maintenir en tant que force politique parmi les autres». Il en veut pour preuve les nombreuses concessions faites par les responsables de ce parti islamiste pris en étau entre une société imprégnée de la pensée bourguibienne et un risque majeur de montée du péril takfiriste dont ils seront les premières cibles. «Si la Tunisie était prédisposée à subir le terrorisme, elle en aurait fait les frais dans les années 1990, lorsque l’Algérie était littéralement plongée dans une vague de violence inédite dans l’histoire du Maghreb», explique notre interlocuteur. «Or, la Tunisie n’a pas subi les contrecoups de ce terrorisme bien qu’elle ait pu devenir une base arrière pour les groupes islamistes armés voire un terrain d’opération pour eux», poursuit-il. Notre interlocuteur étaye son argument par la situation chaotique actuelle en Libye : «Au départ, nous avons cru à une fort probable onde de choc de l’instabilité qui règne en Libye, mais les Tunisiens ont vite fait de comprendre que pour que le danger terroriste touche le pays de plein fouet, il faudrait d’abord qu’il y ait au sein d’une frange de la population une vulnérabilité au discours extrémiste. Mais cette frange est réduite à sa plus faible expression en Tunisie et la grande majorité des Tunisiens, fussent-ils d’obédience islamiste, considèrent la violence comme un phénomène exogène, preuve en est le taux de criminalité dérisoire aussi bien sous l’Etat policier de Ben Ali qu’après sa chute», conclut ce Tunisien dont l’optimisme est tout justifié.
De Tunis, Lina S.
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