Bassam Tahhan à Algeriepatriotique : «La Russie et la Chine fourniront des armes à la Syrie pour riposter»
Algeriepatriotique : L’intervention militaire des Occidentaux contre la Syrie pour «punir» le régime de Damas pour avoir, selon eux, «gazé» la population était une question d’heures. Aujourd’hui, le discours semble prendre une autre tournure. Obama dit qu’il n’a pas encore pris sa décision. Cameron attend le rapport des inspecteurs onusiens et Hollande appelle, maintenant à une «solution politique» à l’issue d’un entretien avec le chef de l’opposition syrienne Ahmed Jarba. Comment analysez-vous ce rapide changement dans le discours des va-t-en-guerre occidentaux ?
Bassam Tahhan : Vous avez évoqué les raisons occidentales, c'est-à-dire le vote de la chambre parlementaire en Grande-Bretagne, les hésitations des Etats-Unis – plus de 60% de la population américaine refuse cette intervention – et en France, également, beaucoup de parlementaires, notamment de la droite et peu de la gauche, s’opposent aussi à cette intervention militaire contre la Syrie. Seulement, à mon sens, il faut voir aussi d’autres raisons qui viendraient du Proche-Orient, c'est-à-dire non pas du côté occidental. Parce que cette décision risque d’embraser la région. La Syrie a des alliés, ce ne fut pas le cas de Kadhafi ni celui de Saddam Hossein. Aujourd’hui, la Syrie a comme allié, ce que j’appelle dans mes concepts opératoires, le croissant chiite. Ce croissant chiite, comme vous savez, n’est pas seulement une appellation confessionnelle, c’est une stratégie politique et qui regroupe en son sein des forces qui ne sont pas forcément chiites. Beaucoup de gens y adhèrent. Par exemple, nous voyons de plus en plus le courant panarabe qui épouse les thèses de ce que nous avons appelé un peu pour nuancer l’arc de résistance, l’arc chiite. Et cela est très important. Le premier scénario est si jamais ils attaquent la Syrie, cette dernière supporte ou encaisse la première frappe et y répond. Nous pouvons, aussi, concevoir un autre scénario, celui où la Syrie et ses alliés commenceraient par attaquer. Alors est-ce qu’ils auraient le droit au niveau juridique ? Bien sûr que si ! Parce que la Turquie a transgressé la frontière syrienne au nord, envoyé des troupes et aide militairement les groupes armés islamistes. Par ailleurs, si nous voyons la frontière sud, c'est-à-dire Israël, ce dernier a assené deux frappes et la Syrie avait déclaré qu’elle se réservait le droit de répondre à ces deux frappes en temps voulu. Ceci concerne la Turquie et Israël. Passons au Liban, où il en est de même. Le Liban n’a pas gardé ses frontières et le mouvement ultra-orthodoxe, pro-saoudien, le 14 mars, avait dépêché des combattants et commandos ultra-sunnites pour ce battre en Syrie, en construisant des tunnels et en assurant des lignes de ravitaillement pour tous les groupes islamistes en Syrie. Quand on passe à la Jordanie, ça serait de même, parce que dès le départ, Laurent Fabius avait parlé de l’hôpital militaire français installé tout près de la frontière jordanienne. Mais en fait, et cela tout le monde le sait et les Etats-Unis l’ont reconnu, que beaucoup de services secrets, notamment les Américains, les Britanniques, les Français et les Israéliens, collaborent tous en Jordanie pour former des commandos qu’ils envoient en Syrie. Le roi Abdallah a beau déclarer, hier, qu’il était à l’écart de ce qui se passait en Syrie et ne servirait pas de base d’attaque, c’est un peu de l’hypocrisie. C’est un mensonge, parce qu’il a, quand même, sur son territoire national plusieurs centres d’entraînement et de renseignement. Lui-même a demandé des missiles Patriot qui auraient été installés. S’il n’avait rien sur la conscience, si je puis dire, je comprends mal pourquoi il a demandé ces Patriot. Revenons au premier point, cette coalition assène une première frappe à la Syrie. Cette dernière encaisse et répond. Comment peut-elle répondre ? Evidemment par voie de mer. Vous savez que la Syrie dispose de missiles soviétiques qui sont l’équivalent, en plus modernisés, de l’Exocet français ou du Loup de mer britannique. Et sans doute, il y a aussi des missiles similaires fabriqués par l’Iran. Ces navires de guerre sur le littoral syrien peuvent être la cible de tir de missiles sol-mer. Il ne faut pas oublier que la grande inconnue de cette guerre est tout l’armement balistique syrien. La Syrie dispose de milliers, même de centaines de milliers de missiles. Ces missiles, par rapport aux missiles Scud qu’avait lancés Saddam, sont d’une différence astronomique. Saddam avait des missiles à carburant liquide qui ne pouvaient pas répondre rapidement, tandis que les missiles dont dispose la Syrie sont, dans leur grande majorité, à carburant solide, qui peuvent être utilisés rapidement. Leur utilisation est plus pratique. Vous ajoutez le nombre des missiles que possède la Syrie à ceux du Hezbollah, qui dispose de soixante mille et en première ligne de défense, si vous voulez, il y a la force balistique de l’Iran qui est une superbe puissance dans ce domaine. D’ailleurs, tous ces missiles sont le fruit d’une technologie iranienne, russe, chinoise et on dit même coréenne. Nous pouvons dire, donc, que l’Iran, la Syrie et le Hezbollah disposent de missiles très modernes et perfectionnés et qui peuvent répondre à la première frappe. Maintenant, qui va répondre à la première frappe et qui va être la cible ? Selon les experts militaires, évidemment, la Turquie peut-être une cible. Et la Turquie, bien qu’elle ait des bases de l’Otan, n’est pas vraiment préparée à une guerre de missiles. On a beau installer des Patriot, vous savez qu’ils n’arrêtent pas tout. Dans le meilleur des cas, 15 à 20% qui seront arrêtés et encore. Si le Hezbollah entreprend une frappe contre Israël, combinée avec la Syrie, mais sans l’intervention de l’Iran, Israël souffrira pour la première fois de son histoire et d’une manière beaucoup plus dramatique et menaçante qu’en 2006 avec sa guerre avec le Hezbollah. Les cibles israéliennes seront, évidemment, le vieux réacteur nucléaire de Dimona on suppose aussi, des établissements nucléaires au nord d’Israël avec la frontière libanaise et le Golan – pourquoi ? – parce que c’est une région où il y a beaucoup d’eau et l’industrie nucléaire a besoin d’eau pour ses installations. N’oublions pas, également, qu’il y a des usines chimiques en Israël et s’ils venaient à être bombardés, cela créerait une tragédie humaine qui pourra se solder pas des dizaines, voire des centaines de milliers de blessés et de morts. Ajoutez à cela les usines de missiles qui peuvent être la cible des Syriens et du Hezbollah. Ils y a des bases de missiles au sud de Tel-Aviv. Vous me direz : est-ce que ces missiles peuvent toucher leurs cibles et sont-ils de longue portée ? La réponse est positive. C’est sûr, et nous savons très bien que les Syriens possèdent cette arme qui peut toucher n’importe quel point stratégique israélien.
Les Occidentaux parlent de frappes punitives «limitées» contre la Syrie. Y croyez-vous ?
Ils veulent asséner cette frappe, mais ils se sont mis dans une situation embarrassante. S’ils n’assènent pas une frappe symbolique pour punir, ils vont être ridicules vis-à-vis du monde entier, à cause d’un petit pays comme la Syrie avec un président qu’on veut déboulonner depuis deux ans et demi, sans résultat. Maintenant, s’ils effectuent vraiment ce raid punitif et symbolique, c’est là que la situation devient embarrassante. Qui nous garantit que la Syrie et le Hezbollah ne vont pas profiter de cette frappe pour déclencher une guerre totale ? Contre les bases jordaniennes que la Jordanie a utilisées pour attaquer la Syrie et aussi contre les bases turques. La garde des missiles syrienne est très variée. Il y a de longue, de moyenne et de petite portée. Une frappe punitive symbolique ne peut pas réduire au silence les Syriens et le Hezbollah et je ne parle pas de l’Iran ni de la Russie. Ces deux derniers sont en position de retrait, mais dans le cas où le Hezbollah et la Syrie se révèlent incapables de répondre à ce moment-là, les Iraniens, d’abord, puis les Russes vont entrer en scène. Les Occidentaux se sont mis dans de beaux draps dans cette affaire parce que maintenant qu’ils se sont avancés, ils ne peuvent plus reculer. C’est honteux ! Et celui qui s’expose le plus c’est le pauvre Hollande avec son ministre Fabius. Ils se sont mis au premier plan et montés au créneau, menaçant et adoptant un discours belliqueux et si cette frappe n’est pas faite, ils seront ridiculisés et bafoués par les événements. Si la frappe est faite et est symbolique et déclenche une réaction vive et embrase la région, l’Occident est-il sûr de gagner la bataille ? Est-ce que c’est dans son intérêt de déclencher aujourd’hui une guerre totale dans la région ? Voyez-vous, la Syrie n’a plus rien à perdre. Elle est, pratiquement, à plus de 50% détruite. Ce qui reste sont son armée, ses missiles et ses avions. La Syrie a tout à gagner à répondre et d’une manière totale et il serait de même du Hezbollah. Je crois aussi qu’Israël va, peut-être, profiter de réduire à néant le Hezbollah une bonne fois pour toutes. C'est-à-dire que l’objet de cette guerre au Proche-Orient est de couper les ailes à l’Iran. De le priver de deux alliés de poids qui sont les voisins d’Israël : le Hezbollah et la Syrie.
Vont-ils mettre leur menace à exécution, dans ce cas-là ?
Ils peuvent le faire. Je crois que la visite d’un responsable américain à Téhéran c’était un peu pour cela. Demander l’autorisation aux Iraniens : «Laissez-nous donner une petite frappe à la Syrie. N’intervenez pas. Nous vous garantissons que c’est juste symbolique.» Parce qu’il faut une sortie honorable dans cette crise au pays le plus puissant du monde. Si ce n’est pas le cas et que les Etats-Unis veulent vraiment entrer en guerre, eh bien ! ça va être la troisième guerre mondiale. On voit que la Russie ne se laissera pas faire et a envoyé des bâtiments de guerre. Les déclarations des responsables iraniens vont également dans ce sens. Je ne vous cache pas, j’ai rencontré des gens du commandement du Hezbollah et ils ne rêvent que d’une chose, que cette frappe ait lieu pour qu’ils puissent répondre. Nous n’avons pas affaire à des gens qui ont peur et qui vont supplier l’Occident de ne pas intervenir. Pas du tout. Vous verrez que la vie à Damas et dans les grandes villes continue sauf que l’armée se déploie. Il même difficile de réduire au silence la force de frappe syrienne, parce que ses missiles sont sur des rampes mobiles et il est difficile de les bombarder par missile. Ces rampes se déplacent sur tout le territoire syrien, alors, il faut qu’il ait un grand raid aérien. Mais pour l’instant, le rôle de l’aviation de cette coalition est minime. On ne parle que d’une frappe de missile.
Si l’intervention militaire est lancée contre la Syrie, expliquez-nous sous quelle forme elle sera menée ? Combien durerait-elle et quels en seraient les objectifs ?
Ils ont parlé de trois jours pour cette intervention. En disant qu’ils ne veulent pas attenter à la vie du président Bachar Al-Assad ni renverser le régime, du moins, c’est ce qu’ils disent. Cette intervention visera les centres de commandement, les aéroports militaires et civils pour que l’armée ne puisse pas les utiliser pour répondre à l’attaque. Evidemment, tous les centres de communications, car dans une guerre pareille, la première frappe sert à paralyser l’ennemi, c'est-à-dire les centaines de milliers de missiles dont dispose la Syrie. S’il n’y a pas de centre de commandement qui dirige, eh bien ! du coup cette force de frappe est neutralisée. Si c’est une frappe symbolique, le corps de l’armée syrienne ne sera pas paralysé. Mais si la frappe est très importante et totale, dans ce cas-là, il faut voir s’ils vont frapper, en même temps le Hezbollah. Parce que je suis sûr que si la frappe est puissante, le premier à riposter sera le Hezbollah parce qu’il est à quelques centaines de mètres d’Israël.
Il se peut qu’Israël intervienne aussi contre le Hezbollah, mais en coordination avec la coalition occidentale. Pour les cibles syriennes, ils vont voir que la base de données de ces cibles est très ancienne et n’est pas mise à jour. On sait très mal où se trouvent les missiles syriens. Chez le Hezbollah, on sait que c’est sous terre. Pour la Syrie, il y a, sûrement, des missiles faciles comme cible pour les Occidentaux et d’autres cachés. Mais toute cette force balistique demeure inconnue. Parce que jusqu’à maintenant, la Syrie ne l’a pas utilisée. Voilà en gros, mais je crois que ça va être l’escalade. Ils vont peut-être asséner une frappe symbolique. Ils verront que ça n’a rien donné, et là le dérapage devient très facile. A ce moment-là, il faut défendre son honneur, ses intérêts et nous voilà dans une guerre au Proche-Orient qui peut entraîner un conflit mondial, notamment si l’Iran intervient.
Cette force balistique dont vous parlez, comment sera-t-elle utilisée sur le terrain ?
Elle peut tirer des missiles contre la Turquie, contre la Jordanie et contre Israël, avec son allié le Hezbollah. C’est sûr ! Peut-être pas trop d’avions, parce que la Syrie n’a pas beaucoup d’avions, environ 400, dont une cinquantaine performants. Et je crois que c’est plus facile pour elle d’utiliser la même arme que les Occidentaux, c'est-à-dire les missiles. En 2009, j’avais posé, au président Bachar Al-Assad qui était de passage à Paris, lors d’une conférence de presse au Bristol cette question : si jamais Israël s’aventurerait à vous asséner un coup qui paralyse le pays, pouvez-vous encaisser la première frappe et répondre ? Il m’a répondu en souriant, que oui, la Syrie pourrait répondre et que dans ce cas-là, la guerre serait à l’intérieur des frontières israéliennes et non pas à l’extérieur. Cela s’est passé en 2009. Evidemment, depuis, les choses ont changé, aujourd’hui, l’ennemi n’est pas seulement Israël, mais toute cette coalition. Il faut, aussi, relativiser le rôle de la France et de la Grande-Bretagne. C’est des gens qui sont là pour faire cocorico. Je vous rappelle que lorsque la France a voulu mener une guerre au Mali, elle a dû louer des avions pour le transport de ses troupes et contre quoi ? Quelques bandes armées. Tandis que là, elle a à faire à une armée de près de 250 000 hommes et une force balistique énorme. Tout le monde compte sur les Américains et, apparemment, Obama traîne le pas et ne sait pas quoi faire parce qu’il s’est mis dans une souricière, c'est-à-dire que s’il y va c’est problématique et s’il n’y va pas c’est aussi problématique.
D’aucuns estiment que la guerre contre la Syrie dépassera ses frontières et sera dévastatrice pour tous les pays du Moyen-Orient. Vous-même venez de déclarer qu’on serait à deux doigts d’une guerre mondiale. Pouvez-vous expliquer votre pensée ?
Franchement, si cette intervention a lieu, ça sera une troisième guerre mondiale. Cela va définir, pour longtemps, les relations entre les deux camps est et ouest. C'est-à-dire ou bien l’Europe, l’Otan et les Etats-Unis s’imposent dans le monde, c'est-à-dire dans le nouvel ordre mondial comme étant la seule force qui décide des destinées de tous les Etats, ou bien cette force prend une claque et revient à un monde bipolaire, d’un côté il y aura l’Otan, les Etats-Unis et l’Europe et de l’autre, il y aura la Russie, la Chine, l’Iran et les pays du Brics. Nous allons vers un nouveau paysage stratégique du monde. Un autre scénario est fort probable. Par exemple, on peut même convaincre – j’irai jusque-là – les Syriens en leur disant : nous allons vous faire une petite tapette, ne répondez pas ! Evidemment, ça ne sera pas Obama qui irait à Damas le souffler à l’oreille de Bachar Al-Assad. Ils vont, peut-être, envoyer un émissaire en Iran ou bien en Russie pour dire : écoutez, laissez- nous faire cela. Nous vous promettons de tourner la page, ensuite. Ce scénario qui paraît rigolo peut bien avoir lieu parce que la situation est tellement tendue qu’elle va vers un affrontement général et généralisé. Je suis optimiste pour ce qui est de l’intérêt de la Syrie, de l’Irak, de l’Iran et du Hezbollah dans ce conflit, parce qu’au lieu que les réacteurs de l’Iran soient uniquement bombardés, nous voilà sur une scène de combat beaucoup plus large, puisque nous ne pouvons envoyer quelques avions bombarder les réacteurs nucléaires et en rester là. Le président français François Hollande est tombé dans un piège lors de son discours belliqueux, lorsqu’il a parlé de l’Iran en des termes durs. Il a dit mot à mot : «Le compte à rebours des négociations pour le nucléaire iranien a commencé.» J’estime que dans ce discours c’est cette déclaration qui est la plus importante, celle d’asséner un coup à la Syrie. C'est-à-dire que nous commençons par la Syrie, mais n’oublions pas l’Iran. N’intervenez pas parce qu’on vous attend sur le nucléaire. Et je crois que les Iraniens, en fins et subtiles diplomates, ont bien perçu le message et pour cela, d’ailleurs, qu’au lendemain, ils ont répondu qu’ils étaient les alliés fidèles de la Syrie et qu’ils répondraient à cette attaque. Merci de m’avoir posé cette question, car elle me permet de revenir sur le discours de Hollande. Autre chose qui attire l’attention dans ce discours : la seule référence faite à la Russie est que les choses qui séparent la France de la Russie sont les droits de l’Homme. Sans souffler mot de tout le conflit au Proche-Orient. Comme si la Russie n’était qu’un pays qui souffrait des droits de l’Homme et comme si la France n’avait aucun problème de ce genre ni ne manque de liberté d’expression. Je vous rappelle que pour ma part, et ce, depuis le début de la crise, pour avoir dit que les islamistes étaient en Syrie dès le départ, j’étais privé de certains médias pendant deux ans et demi.
Quelle serait, selon vous, la réaction de la Russie et de la Chine une fois la Syrie attaquée ?
Je crois qu’ils vont condamner, mais ils ne vont pas intervenir directement, pour éviter, justement, une guerre mondiale. Mais, indirectement, la Russie va sûrement dépêcher par pont aérien ou maritime tout le matériel nécessaire pour que la Syrie puisse répondre. Il en est de même, je crois, de la Chine. Comme je vous l’ai dit, il y a plusieurs lignes de défense dans ce conflit du côté syrien. En première ligne, vous avez le Hezbollah et la Syrie. En deuxième ligne, vous avez l’Iran. En troisième ligne, vous avez la Russie et quatrième ligne, vous avez la Chine, et toutes ces lignes communiquent entre elles. Je suppose que si la Syrie a besoin d’accessoires pour ces missiles et que ces accessoires sont en Chine et non pas en Russie, je crois que les Chinois ne vont pas hésiter à les lui envoyer. Les Chinois sont très pro-syriens. Je sais que pour l’industrie chimique, tout le monde croit qu’elle vient de Russie. Non, ce n’est pas vrai. C’est la Chine qui a vendu à la Syrie des usines pour la fabrication de peintures et ces usines ultramodernes peuvent servir, également, pour une industrie chimique.
Pouvez-vous nous dire si réellement le régime syrien a utilisé l’arme chimique ?
Je ne pense pas. Pourquoi voulez-vous que la Syrie utilise le chimique alors que les armes traditionnelles dont elle dispose lui suffisent à réduire au silence ces groupes armés ? Par contre, nous sommes sûrs que les rebelles ont utilisé le chimique à Khan El-Assal, au sud d’Alep. D’ailleurs, c’est la Syrie qui, depuis cinq mois, demande à ce qu’une commission de l’ONU se déplace et l’ONU ne l’a pas fait. Pourquoi ils ne voulaient pas envoyer cette commission ? Parce qu’ils savent très bien que ce sont les rebelles d’Al-Nosra qui l’ont fait. Ils ont tiré un missile contre le petit village de Khan Al-Assal où il y avait une école militaire au sud d’Alep. Sans doute, il y a eu des armes chimiques utilisées dans la banlieue de Damas, mais là c’est le complot occidental. Ce sont les Occidentaux qui ont monté le coup. De toute manière, tout ceci est une mascarade qu’il y ait responsabilité ou pas, c’est simplement un paravent pour cacher la lenteur d’intervention, les consultations et la préparation des armées. La Syrie aux yeux de l’Occident est coupable qu’elle l’ait utilisé ou pas. Ils diront : si c’est l’armée, il faut intervenir et si ce sont les rebelles, il faut intervenir aussi. La Syrie est dans le collimateur de cet Occident depuis le XXe siècle et, là, il est en train de régler ses comptes. C’est un pays dont je suis fier, très fier même, avec un président jeune qui défie toutes ces forces occidentales. On a beau dire du mal de lui, mais ça ne tient pas. Les événements viennent les contredire. Et si vous me demandez si je soutiens le président Al-Assad, je vous dirais oui, ne serait-ce que pour la légitimité. Peut-être qu’il y a eu des erreurs commises de la part du gouvernement de Damas. Moi, par exemple, je suis pour une Constitution qui permette à tout le monde d’être président, que la religion du président ne soit pas spécifiée, parce que la citoyenneté ne tient pas compte de la religion, sinon, nous ne sommes plus dans un pays laïque. Je suis sûr et certain que l’Occident ne réussira pas à mettre la Syrie à genoux.
Interview réalisée par Mohamed El-Ghazi
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