Interpol ne recherche pas la famille Khelil
Plus d’un mois après l’émission par la justice algérienne du mandat d’arrêt international, Chakib Khelil et sa famille ne figurent toujours pas sur la liste des personnes recherchées par Interpol. Ni eux ni Farid Bedjaoui, également impliqué dans le grave scandale de corruption appelé affaire Sonatrach II. Le 12 août dernier, le procureur général près la cour d’Alger, Belkacem Zeghmati, avait précisé que «le mandat d’arrêt a été lancé il y a quinze jours». Autrement dit, vers la fin du mois de juillet. Le lendemain, le 13 août, le directeur de la police judiciaire à la DGSN, Abdelkader Kara Bouhedba, avait affirmé que le mandat d’arrêt a été enregistré et pris en charge immédiatement après son émission. «Nous lançons le mandat arrêt international en temps réel à toutes les régions du monde par le biais d'Interpol qui assume un rôle fondamental, qu'il s'agisse de grandes ou de petites affaires auxquelles nous accordons une même importance dans le suivi afin que l'enquête soit complète», avait-il déclaré. Si le mandat a été exécuté, pourquoi Interpol n’a pas diffusé sur son réseau l’avis de recherche ? S’agit-il d’une omission ? Peu probable, pensent de nombreux observateurs qui louent le professionnalisme et l’efficacité de cette organisation planétaire des polices qui existe depuis 1923. Selon une source crédible, le mandat d’arrêt n’aurait toujours été adressé à Interpol pour des raisons liées à «des lourdeurs procédurales». Mais cela n’explique pas tout. Une autre source estime qu’il est probable qu’on temporise après les déclarations de l’ancien ministre de l’Energie, affirmant sa disponibilité à se présenter devant la justice. Khelil avait plaidé son innocence, précisant qu’il n’avait jamais fui la justice. Interrogé sur l’exécution de ce mandat d’arrêt international, le ministre de la Justice, Mohamed Charfi, s’est montré très gêné : «En tant que ministre de la Justice, je n'ai aucune information officielle à ce sujet.» Cela avant d’enchaîner que «la justice émet des mandats d'arrêt, toutefois, la mise en œuvre de la décision ne relève pas de son ressort mais plutôt de celui des parties compétentes». Le ministre n’a cependant pas spécifié qui sont ces «parties compétentes» qui seraient à l’origine de ce retard ou carrément de la non-exécution de ce mandat d’arrêt international primordial pour la poursuite de l’enquête sur l’affaire Sonatrach II. Cette affaire, qui est sortie de nos frontières pour atterrir au niveau de la justice italienne, concerne des pots-de-vin versés par Saipem, une filiale du géant pétrolier italien ENI, entre 2007 et 2009, pour l’obtention de 7 contrats en Algérie d’une valeur globale de 8 milliards d’euros. Les montants des pots-de-vin versés sont estimés, selon le tribunal de Milan, à 197 millions de dollars. Des «commissions» qui auraient été versées à la société Pearl Partners Limited basée à Hong Kong, propriété de Farid Bedjaoui, «bras droit» de Chakib Khelil dans ces affaires de corruption à grande échelle. En Italie, l’alter ego de Farid Bedjaoui, Pietro Varone, présenté comme une pièce maîtresse du système de corruption mis en place, est en prison depuis le 28 juillet.
Sonia Baker
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