Le drone n’a pas volé, mais Sonatrach a été volée !
Je ne comprends pas. Le 28 mai 2013, on nous annonce un essai de décollage d’un drone de fabrication algérienne, puis plus rien dans la presse. Où est passé notre drone qui n’a pas décollé, on en parle plus ? Rebelote, le 16 août 2013, on nous annonce la fabrication d’une puce électronique algérienne. Puis plus rien. Que devient notre kelma ! Je parle, bien sûr, des analyses de la presse qui devraient être explicites et plus étayées. A ce propos, je relève également l’absence dans notre pays de magazines scientifiques qui contribueraient à l’information et à l’éveil des adolescents et des universitaires. On a attendu pendant 50 ans pour qu’on invente quelque chose et voilà deux grandes inventions qui nous tombent sur la tête cet été sans que nous sachions la suite. C’est frustrant. C’est vrai qu’il a fait chaud ! D’abord, où en est-on avec le photovoltaïque lancé depuis les années 1980 ? Fabrique-t-on des panneaux solaires made in Algeria ? Produisons-nous de l’électricité avec ces panneaux ? Combien de watts ? Quel est le taux d’intégration du savoir-faire algérien ? S’il vous plaît, donnez-nous des informations crédibles. Assurez-nous que notre prestige n’est pas perdu, car on a le sentiment qu’on invente et qu’en avance alors qu’on est en chute libre, morale, sociale et économique. Pour le drone, la puce, la Mercedes et Renault, tu crois, toi, que les Américains, IBM, les Allemands et les Français vont te livrer leur technologie qui leur assure monopole, puissance et bénéfice. Commençons d’abord par moderniser le pays par la poursuite des grands travaux – éducation, autoroutes, transport de surface, barrages, agriculture, urbanisme, architecture – pour prétendre jouer dans la cour des grands. Emancipons-nous. Nous n’avons jamais entendu un discours politique crédible qui va dans le sens d’une modernisation technologique ou de muscler la recherche (biotechnologie, nanotechnologie, intelligence artificielle, photovoltaïque, gaz de schiste, nouveaux matériaux). M. Sellal souhaite que dès le primaire, les mathématiques deviennent le credo des Algériens. Mais pour l’heure, 60 % des étudiants sont dans les langues, la littérature, les sciences humaines, juridiques et administratives (droit, sociologie, psychologie). Résultat, 70% des promus sont au chômage. L’esprit scientifique s’acquiert depuis le berceau par le talent, la curiosité, le travail et dans un champ social autre que celui de la corruption et du trabendo ou par la cooptation et le piston. Quand, l’élite, ceux censés représenter le peuple, sénateurs, députés, élus, écriront des livres, des essais, produiront de la réflexion, alors le soleil brillera et tout le monde suivra. Par l’exemple. Hélas !, un peuple assisté, qui ne lit pas, ne travaille pas, ne peut générer et faire sortir des urnes que des alter ego. Que peut-on inventer, entreprendre, construire dans la clochardisation de la scène politique. Trop d’équations humaines sont à résoudre et à juguler et les mathématiques ne peuvent rien. Les seules sciences que l’on peut développer sont celles qui concernent la gérontocratie, la ploutocratie et celles des menteries et de la litote.
Non, nous n’y serons pas dans la cour des grands, car nous sommes loin des standards internationaux, dans tous les domaines. Nous ne croyons à rien, on nous a trop menti depuis la voiture Mina 4 électrique de Ben Bella en 1964. Et ce qui est grave, c’est qu’on doute de tout : de ceux qui nous dirigent, des élus, des programmes en tous genres. En plus, nous sommes orphelins des 200 000 intellectuels et scientifiques qui ont émigré. Tout est brumeux, il n’y a que la médiocrité qui apparaît tel un phare.
L’Algérie réputée pour la qualité de ses produits vitivinicoles, ses agrumes et sa bonhomie importe les citrons d’Espagne, le raisin de Provence et les pommes de Bretagne. Ce n’est certainement pas le drone, la puce électronique et la morfondure qui rétabliront sa réputation. En attendant que le pays se remette debout, gardez-nous les anciens pressoirs à huile de Kabylie, le roseau à trois fourches pour cueillir les figues de barbarie et inventez-nous un douk-douk pour ouvrir la figue. On a déjà perdu le délicieux fromage de chèvre de Chréa qu’on dégustait, posé sur une feuille de figuier, la douce plaquemine qui nous venait de Miliana juste après la cueillette des cerises. Le mérou, le rouget et le merlan nous boudent et la crevette se prend pour une pin-up. J’y vois rouge quand je pense au rosé de Mascara et à la cuvée du Président… Ah ! le Président ! On l’a perdue… la cuvée.
Abderrahmane Zakad, urbaniste
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