Manœuvres de Bouteflika en prévision de 2014 : quand la logique de clan dépasse l’impératif de l’intérêt général
Le dernier remaniement décidé par le président Bouteflika ne répond pas à l’impératif de l’intérêt général. Il s’inscrit dans une logique de clan. C’est un coup de force en prévision de la très périlleuse échéance de 2014 qui a été pensée et cogitée depuis un peu plus d’une année et qui, donc, n’a rien à voir avec la maladie du chef de l’Etat. Si bien qu’Algeriepatriotique rapportait dans un article datant de juin 2012(*), déjà, que des changements allaient être opérés au sein du gouvernement et que des walis, dont ceux d’Oran et d’Annaba, allaient intégrer le nouvel Exécutif en même temps que d’autres commis de l’Etat sans appartenance politique. Ce qui a attiré l’attention dans le dernier remaniement ministériel, qui n’aurait suscité aucun intérêt s’il était intervenu dans un contexte différent, c’est sa coïncidence avec la décision «inédite» de Bouteflika d’«alourdir» davantage le chef d’état-major de l’ANP, Ahmed Gaïd Salah, en le flanquant de deux nouvelles structures qui relevaient des services des renseignements et d’une nouvelle fonction politique, celle de vice-ministre de la Défense nationale, tout en maintenant entre ses mains la puissance de feu. Or, expliquent des observateurs avertis, quand bien même la Direction centrale de la sécurité de l'armée, la fameuse DCSA, trouverait sa place naturellement dans le giron de l’ANP – place qu’elle n’a jamais quittée d’ailleurs, le DRS relevant lui-même de l’institution militaire –, la coordination de l'ensemble des moyens concourant à la recherche des renseignements s'en trouvera perturbé, en ce moment crucial marqué par de sérieuses menaces qui pèsent sur l'ensemble de nos frontières. De plus, la concentration des prérogatives de défense et de sécurité en un seul pôle est une mesure inadéquate, observe-t-on encore, car il est d'usage de «ne pas mettre les œufs dans le même panier» et de séparer les fonctions de commandement et celles des services, notamment ceux à qui est échue la très sensible mission de soutien. Le remaniement serait également passé inaperçu s’il n’avait pas conforté l’idée que le président de la République et son entourage gardaient le cap sur deux préoccupations principales : renforcer une région au détriment de tout le reste du pays et verrouiller les leviers de sorte à assurer un passage en force lors de la prochaine présidentielle et se maintenir ainsi au pouvoir avec ou sans le président sortant. Maintenant que le boulevard des élections est satiné, Abdelaziz Bouteflika, si son état de santé s’améliorait d’ici la fin de l’année, irait allègrement vers un quatrième mandat ou prolongerait l’actuel. Et si la maladie l’empêchait de rempiler et que cette option n’était pas retenue, dans le meilleur des cas, le terrain aura été préparé pour un candidat issu du clan. Belaïz et Louh, ou les deux «Tayeb» comme la rue aime à les appeler désormais, respectivement ministres de l’Intérieur et de la Justice, complètement inféodés au Président et à son entourage immédiat, pérenniseront la bonne ancienne méthode appliquée jusque-là et qui a permis à Bouteflika de prolonger son mandat deux fois de suite, sans coup férir. L’administration étant mise sous tutelle, l’Intérieur mobilisera encore une fois ses moyens colossaux au service du candidat-président d’office, tandis que la Justice – qui, entretemps, devrait tempérer les ardeurs des va-t-en-guerre contre la corruption et mettre une sourdine à la très médiatisée affaire Khelil –, rendra caduques ou atténuera d’éventuelles accusations d’irrégularités au cas où celles-ci venaient à être relevées et dénoncées. La manœuvre, précédée par une mise au pas du FLN, sera complétée par la désignation d’un nouveau président «obéissant» à la tête du Conseil constitutionnel. Le scénario qui mettra les Algériens devant le fait accompli en 2014 sera, alors, définitivement ficelé. L’Algérie n’en sortira pas grandie.
M. Aït Amara
(*) https://www.algeriepatriotique.com/article/composition-du-nouveau-gouvernement-ces-bruits-qui-courent
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