Rapport de Statoil : «L’attaque terroriste d’In Amenas aurait pu se produire dans n’importe quel autre pays»
Contrairement à ce qui a été rapporté par certains médias, notamment marocains, la compagnie pétrolière norvégienne Statoil n’a nullement remis en cause la compétence et le professionnalisme de l’armée algérienne ni critiqué sa façon de faire. Dans le rapport élaboré par des experts de cette compagnie sur l’attaque terroriste du 16 janvier contre le site gazier de Tiguentourine – qu’elle exploite avec Sonatrach et British Petroleum dans l’extrême sud algérien –, Statoil précise, au contraire, qu’«aucune force militaire ne peut garantir une protection complète contre des terroristes déterminés dans une surface qui est égale au Luxembourg et située à proximité d’une frontière». Elle n’a à aucun moment dit que l’ANP était incapable d’assurer la sécurité de ce site pétrolier et s’est refusée à toute spéculation sur ce qui s’est passé. Les auteurs du rapport avertissent d’emblée qu’il n’était pas question, dans ce document, de spéculer sur d’éventuels scénarios alternatifs. D’ailleurs, ils soulignent que la réalité est souvent beaucoup plus compliquée que la théorie et que les preneurs de décisions n’ont pas toujours des informations complètes. «Celles-ci sont mêmes parfois contradictoires, voire fausses», notent-ils encore. L’équipe d’investigation se dit même «consciente des risques inhérents au fait d’apporter des jugements sur les décisions et actions individuelles sans tenir compte du contexte dans lequel elles ont été entreprises». Statoil affirme que cette attaque était imprévisible mais pas «inconcevable». Car des terroristes déterminés et lourdement armés ont déjà démontré, ailleurs, leur capacité à attaquer avec succès des bases militaires des plus sécurisées. Mais le fait que les terroristes aient attaqué simultanément la base de vie et le complexe de production ne permettait pas une réponse rapide de l’unité de gendarmerie qui se trouvait à 3,5 km des deux sites.
Un contexte régional nouveau
La compagnie norvégienne reconnaît que le système de sécurité des deux sites a été établi pendant une période de stabilité régionale dans un contexte caractérisé par une bonne maîtrise des menaces internes. La compagnie fait référence à la situation sécuritaire régionale qui s’est détériorée en 2011 et 2012, à cause de la guerre civile et du chaos qui règne en Libye, et qui a transformé ce pays voisin en un vaste espace non gouverné où les criminels peuvent circuler librement. En parallèle, le Nord-Mali est devenu un paradis sécurisé pour les terroristes. Statoil estime ainsi que ces nouvelles donnes rendaient nécessaire une révision du système de sécurité pour la gestion des risques encourus. Ce qui n’a pas été fait en raison d’une mésentente interne entre les différents intervenants pour la sécurité (algérienne et étrangère). «Il y avait deux organisations de sécurité parallèles opérant sur le site, mais il n’y avait pas toujours entre elles un haut degré de respect mutuel, de confiance et de respect», relèvent les auteurs du rapport. L’équipe d’investigation affirme qu’elle n’a trouvé aucune preuve que les terroristes auraient bénéficié de l’aide matérielle d’un quelconque employé si ce n’est sous la menace. Statoil, qui rend hommage au «professionnalisme» et à l’«engagement» de l’équipe chargée de la gestion de l’incident, dont des employés de Sonatrach et d’autres agences, souligne l’arrestation d’un suspect qui fait l’objet d’une enquête pour avoir fourni des informations aux terroristes. Les experts de cette compagnie mettent en avant le fait que les responsables de Statoil n’ont pas donné l’importance que requiert l’aspect sécuritaire, que ce soit en matière de gestion ou d’effectifs. Des rapports internes ainsi que des audits avaient émis la même remarque. Certaines recommandations n’ont pas été rendues publiques car elles sont liées aux futures mesures de protections à In Amenas. Ces recommandations ont été directement communiquées au conseil d’administration de Statoil, précisent ces experts(*).
Sonia Baker
(*) Le groupe d’experts de Statoil est composé d'Erling Kristian Handal, Adrian Fulcher, Randi Grung-Olsen, Leif D. Riis, Torgeir Hagen, James Bunn and Pål Eitrheim (voir photo).
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