Luis Martinez, directeur de recherches au CNRS : «Bouteflika pourrait être président jusqu’à la fin de 2015»
Luis Martinez, directeur de recherches au Centre d'études et de recherches internationales (CERI) dépendant du CNRS français, a jugé probable, dans un entretien accordé au magazine français Les Echos, la thèse selon laquelle le président Bouteflika serait tenté plutôt par une prolongation de son mandat de deux années que par l’organisation d’une présidentielle proprement dite en 2014. «De toute évidence, il est difficile aujourd'hui pour le Président de briguer un nouveau mandat. En revanche, la prolongation de deux ans de son mandat par une modification de la Constitution ne pose pas de problème», a-t-il répondu à une question du magazine spécialisé en économie à propos de l’éventualité d’une non-tenue de l’élection présidentielle en Algérie dans les échéances imparties. Son analyse rejoint celle de l’ancien ministre de la Communication, Abdelaziz Rahabi, qui, lors du Forum de Liberté, la semaine passée, a livré à l’opinion publique ce qu’il considérait comme le scénario le plus probable que le cercle présidentiel s’apprêtait à mettre en œuvre en vue de prolonger son règne à la tête de l’Etat algérien. «S'il s'agit du schéma retenu, on peut penser qu'Abdelaziz Bouteflika pourrait être président jusqu'à la fin de 2015», pense le chercheur. Mais que pourrait apporter une telle option pour le pouvoir en place ? «Cette période supplémentaire de deux ans peut arranger tout le monde. Quant au président Bouteflika, cela va lui permettre d'achever ce qu'il a mis en place, comme la mise sous tutelle des services de renseignement. Et peut-être aussi de préparer sa succession. Elle est aujourd'hui d'autant moins ouverte qu'il n'a pas de dauphin. Il n'y a que des outsiders traditionnels qui attendent leur heure», analyse Luis Martinez. Interrogé sur la situation générale du pays, le chercheur ne manque pas de faire le lien entre cette fin de règne de Bouteflika et celle de Boumediene à la fin des années 70. «Le pays se trouve dans la même situation que sous Houari Boumediene dans les années 1980, avec des finances gonflées par la rente pétrolière et une population finalement peu satisfaite», indique-t-il, brossant un bilan peu reluisant de la situation économique du pays. «Bouteflika n'a pas cherché à diversifier l'économie, comme l'a fait par exemple l'Indonésie, un autre pays pétrolier. Il n'a pas non plus tenté de rassurer les investisseurs étrangers. Le gaz est le principal produit d'exportation. Mais que se passera-t-il si le gaz de schiste se développe ailleurs ?» s’est-il interrogé, tout en se demandant «ce que va être l'Algérie de l'après-Bouteflika» car, indique-t-il, «l'armée lui trouvera toujours un successeur». Quid du dernier remaniement ministériel ? «En procédant à ce changement, Abdelaziz Bouteflika rappelle qu'il est rentré et qu'il remet de l'ordre dans la maison. C'est son territoire qu'il marque à nouveau», estime encore le directeur de recherches au CERI, tout en faisant le lien entre les décisions annoncées par le président Bouteflika et la divulgation des affaires de corruption touchant des personnes très proches du chef de l’Etat.
Amine Sadek
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