Les vrais enjeux du remplacement de directeurs au DRS
Les derniers changements survenus au sein des services des renseignements méritent-ils qu’on s’y appesantisse ? Assurément non. Changer des personnes à la tête de directions relevant du Département du renseignement et de la sécurité (DRS) n’a rien de spectaculaire. Il n’est nulle part écrit que les généraux Tartag et Attafi, en charge des très sensibles missions d’espionnage et de contre-espionnage – appelons les choses par leur nom –, devaient demeurer à leur poste à vie et ne le quitter que les pieds devant. La réaction de la rue et des médias à ces mises à la retraite sont pour le moins paradoxales. D’un côté, on se plaint que les dirigeants à différents niveaux soient comme collés à leur fauteuil et, de l’autre, on s’étonne que ces mêmes pontes soient soumis à la même règle que tout le monde, c’est-à-dire laisser la place à d’autres cadres qui devront apporter du sang neuf aux institutions qu’ils ont dirigées durant de longues années. L’analyse est faussée, dès lors qu’elle doit se situer à un autre niveau. D’abord, au lieu de focaliser sur les partants, c’est aux nouveaux arrivants qu’il faudrait s’intéresser de près, pour comprendre les raisons qui ont conduit à ces changements et les objectifs assignés aux services de sécurité à la lumière de ces nouvelles nominations. Ensuite, il faut être en mesure d’assimiler la subtile gestion du dossier des renseignements et de la sécurité par le président Bouteflika et le général Tewfik. En définitive, ce qui «préoccupe» l’opinion publique, ce n’est pas tant le départ de deux généraux à la retraite, mais l’origine de la décision : qui des deux hommes – le Président ou le patron du DRS – a décidé qu’il était temps que Mehenna Djebbar permute avec le directeur du Bureau des opérations, que la DCSA passe sous la coupe de l’état-major de l’ANP et que les premiers responsables de la DDSE et de la DSI soient remplacés ? Un autre niveau d’analyse signifie aussi qu’on doit se poser la question de savoir si le président Bouteflika va opérer une restructuration profonde et réelle des services de sécurité, de sorte à les adapter aux nouvelles menaces apparues depuis 2011 et dont la gravité n’exclut aucune hypothèse, jusques et y compris celle de voir notre pays entraîné dans une guerre. Une telle menace suppose une réflexion inédite sur le concept de «défense nationale» qui ne peut plus reposer, désormais, sur la seule institution militaire. Ce sont ces éléments névralgiques qui font que ces décisions importantes dépassent de loin l’idée réductrice d’une simple mésintelligence entre un président et son chef des services secrets. Il reste maintenant au président Bouteflika de nommer un nouveau chef d’état-major pour achever l’édifice de la sécurité nationale. Car c’est de cela qu’il s’agit.
M. Aït-Amara
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