«Ouech Eddakoum ?»
De nouveau, les manifestations tonnent en France. C’est Mai 68 sans Sartre, mais avec Mélenchon. Le peuple français n’a plus le moral, le niveau de vie a baissé ; après l’affaire Cahuzac, les scandales se succèdent et on fait manger aux Français de la viande de cheval à la place du bœuf hexagonal. Plus grave, les guerres ont vidé les caisses : interventions en Afghanistan, Côte d’Ivoire, Mali, Syrie, Libye, Liban… Fermer le ban ! On décide d’aller en Libye pour régler les problèmes en suspens, rétablir l’honorabilité de la France et glaner quelques sous. Sur le djebel Nefoussa, sous une tente, celle que Kadhafi avait posé dans le jardin de l’hôtel Marigny, Hollande, Fabius et BHL d’un côté, les cheikhs des tribus de l’autre. A l’entrée de la tente, un char allemand Panzer près d’un half-track anglais, vestiges de la bataille d’El-Alamein. Façon de monter que la France était absente lorsqu’il fallait être là pour mener la guerre contre les Allemands. Rencontre terre à terre, sur des matelas en alfa. Le thé est servi, les voitures officielles françaises alignées côté ouest, les chameaux ruminent côté sud. Le ciel est bleu, les petites gens passent insouciants et ça sentait la paille, la crotte et les appréhensions.
– Cheikhs, nous sommes ici en tant que représentants du peuple français pour régler cette affaire.
– Quelle affaire ? dit le plus vieux des cheikhs, choisi selon l’usage.
– Les événements qui perdurent dans votre pays et dans lesquels nous nous retrouvons mêlés.
– Quels événements ?
– Vous êtes bien au courant des troubles, de l’instabilité et de l’impossibilité de renouer de bonnes relations entre nous pour relancer les échanges commerciaux.
– Nous ne sommes pas concernés. Voyez auriez dû régler cela avec notre guide, Kadhafi.
– Mais Kadhafi est mort, crie très fort BHL, dans une position inconfortable sur son matelas.
– C’est vous qui le dites. Nous n’avons pas son corps.
– Allons ! Allons, Cheikh vous êtes coupé du monde, dit Hollande rougissant.
– Certainement pas, c’est vous qui êtes partout dans le monde et vous vous mélangez les pinceaux.
– Ne dites pas qu’il n’y a pas eu une guerre, ici en Libye. J’y étais, hurle BHL. Tous les téléspectateurs ont vu la tête de Kadhafi dans un tuyau.
– D’une tête, on n’en fait pas un cadavre. Comptez le nombre de têtes qui sont dans votre musée Grévin.
– Mais Bon Dieu, je vous dis qu’il est mort. Je l’ai vu, crie encore BHL à demi levé et retenu par Hollande.
– Pas nous. Pour annoncer le Ramadhan, un de nos sages a cru voir le croissant lunaire alors que c’était un cil dans sa rétine. De plus, votre télévision, ce n’est qu’une boîte. Chez nous, les morts sont respectés et ont une sépulture. Le peuple les conduit ensuite à leur dernière demeure. On n’a rien vu de cela.
La délégation française se lève, les cheikhs les regardent s’en aller en égrenant leur chapelet.
– Laissons-les à leur prière, ordonne Hollande. Allons voir une autre tribu.
Pendant ce temps, un cavalier libyen allait à fond de train pour alerter les autres tribus.
Les cadenas, c’est fait pour quoi ?
Abderrahmane Zakad, urbaniste et romancier
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