Les trois concessions du président Bouteflika à Hocine Aït Ahmed pour rallier son camp
Plusieurs faits concordants confirment le virage à 180° opéré depuis quelques mois par le FFS par rapport à la position traditionnelle qu’il a toujours adoptée depuis sa création, il y a cinquante ans en 1963, et qui a été caractérisée par une opposition farouche et inconditionnelle au pouvoir en place. Il faut, avant tout commentaire, préciser que le FFS est libre de prendre le chemin qu’il veut, il y a juste à s’interroger sur les motivations qui l’ont conduit à se rapprocher du pouvoir. Les choses ont été visiblement arrangées au sommet par un deal entre le chef historique du FFS, Hocine Aït Ahmed, qui a toujours vécu en exil en Suisse, et le président Abdelaziz Bouteflika. Si cette hypothèse se vérifie, il s’agirait alors d’une victoire historique remportée par le pouvoir face à cette formation politique que certains, par routine, continuent encore d’appeler le plus vieux parti d’opposition. Cette volte-face était déjà dans l’air quand le FFS a choisi de participer aux législatives de 2012. Un peu plus d’une année après, personne n’est surpris d’apprendre que le FFS s'achemine allègrement vers une participation à une future alliance présidentielle que le nouveau patron du FLN, Amar Saïdani, a été chargé de bâtir. Comment en est-on arrivé là ? Tous les observateurs ont noté le silence – qualifié d’énigmatique dans le brouhaha ambiant – du FFS sur la situation politique nationale après l’hospitalisation du président Bouteflika en France alors que les incertitudes les plus lourdes pesaient sur le pays. No comment ! Tous ont compris que quelque chose avait changé au FFS qui avait donné l’habitude de réagir très rapidement aux événements, même quand il fallait attendre le feu vert d’Aït Ahmed. Mais le fait le plus significatif du retournement est bien dans la présence au sein de la présidence tournante du parti de Mohand Amokrane Cherifi, qui a longtemps occupé des postes dans la haute administration et a même été ministre du Commerce. Autant dire qu’un des dirigeants les plus en vue du FFS est un homme du système que ce parti n’a cessé de combattre depuis une cinquantaine d’années. Il semblerait d’ailleurs, selon les commentaires de presse, qu’il soit un élément moteur et déterminant dans le rapprochement entre le FFS et le pouvoir. D’où cette référence, qui deviendra sans doute récurrente, au «consensus», incluant implicitement le pouvoir, au lieu du terme opposition qui remplissait les documents et discours officiels du parti. On comprend alors pourquoi des institutionnels, comme Mohamed-Seghir Babès, président du Conseil national économique et social, ont été admis à l’activité du FFS appelé «conférence économique et sociale», organisée pour la célébration du 50e anniversaire de la création du FFS. Est-ce un prélude à une démarche participationniste, tentée avec plus ou mois de «bonheur» par les dirigeants des partis rivaux, le RCD et le MPA ? Dans ce rapprochement entre le FFS et le pouvoir, un grand pas a été fait par le pouvoir, du moins c’est ainsi que les observateurs l’interprètent, avec la réorganisation des services qui serait vue comme un élément d’une démarche visant à éloigner l'armée de la politique, sujet qui tient à cœur à Aït Ahmed et au FFS qui ont en fait leur fond de commerce. Autre pas dans le même sens : l'éventualité de faire de la langue amazighe une langue officielle. Enfin, cerise sur le gâteau : la proposition de loi pour réhabiliter les anciens militants du FFS de 1963 et qui a toutes les chances d’être retenue puis adoptée. C’est une démarche gagnant-gagnant entre Aït Ahmed et Bouteflika, qui vont se prévaloir d’avoir atteint, chacun, des objectifs qui paraissaient irréalisables. Evidemment, le FFS, entretemps, aura implosé du fait de la fronde d'une partie de ses militants qui dénoncent une compromission, après avoir longtemps fermé les yeux sur une autre compromission, avec le FIS, celle-là. Que reste-t-il du slogan du FFS «ni Etat policier ni Etat intégriste» ?
Karim Bouali
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