La Libye post-Kadhafi «made in NATO» bascule définitivement dans le chaos importé

Le Premier ministre fantoche libéré après avoir été enlevé quelques heures par des ex-rebelles ce mercredi, suite au raid américain à Tripoli.
Qui est Ali Zeidan ?

Le Premier ministre fantoche libéré après avoir été enlevé quelques heures par des ex-rebelles ce mercredi, suite au raid américain à Tripoli.
Qui est Ali Zeidan ?
Ali Zeidan est un opposant de longue date à Mouammar Kadhafi et le choix de Washington lors de son «élection» comme Premier ministre par l’assemblée fantoche dite Congrès général national, qui usurpe le nom du Congrès populaire général, l’assemblée principale de la démocratie directe libyenne sous la Jamahiriya. Ancien diplomate, Zeidan avait fait défection en 1980 depuis l’Inde où il travaillait à l’ambassade libyenne. Il avait passé trois décennies en exil, au service de la CIA. Il a été l’un des dirigeants du Front national pour le salut de la Libye, organisation terroriste créée par la CIA contre Kadhafi en 1981. Il fut ensuite avocat à Genève. Il réapparait en février 2011 à Genève au nom d’une fantomatique et inconnue Ligue libyenne des droits de l’Homme, dénonçant au bon moment les «crimes du régime». «En Europe, il fut une vitrine (poster-boy) de la révolution libyenne», précise le journaliste Manuel Ocksenreiter. Il est chargé de vendre – avec BHL – la cause de Benghazi à Sarkozy, en faisant oublier dans les médias de l’Otan les djihadistes et les forces d’Al-Qaïda qui constituent en fait les «katibas » du CNT. Avec deux autres agents de la CIA, tous trois dirigeants du FNSL made in USA de 1981, le «général» Khalifa Hifter – officier félon libyen défecteur en 1989, parachuté commandant des katibas du CNT dès février 2011 – devenu le chef de la nouvelle «armée libyenne» coloniale -, et Ali Megaryef, le patron des forces libérales en Libye, Zeidan est le choix de Washington pour contrôler, autant que possible, la Libye post-Kadhafi.
Que se passe-t-il à Tripoli ?
Le Premier ministre libyen Ali Zeidan a donc été enlevé jeudi pendant quelques heures par un groupe d'ex-rebelles affirmant «agir sur ordre du parquet général libyen», dans un pays en proie à une insécurité et une instabilité croissantes depuis le renversement de Mouammar Kadhafi. Les autorités de transition «peinent à contrôler» – dixit l’AFP qui aime les euphémismes – les groupes d'ex-rebelles ayant combattu Kadhafi, auxquels elles ont pourtant confié de nombreuses tâches sécuritaires après la destruction de la Jamahiriya en octobre 2011. Aguerries par leurs combats contre les forces loyalistes, lourdement armées et empreintes d'un sentiment de légitimité et d'impunité selon les observateurs », elles sont montées en puissance, refusant obstinément de déposer les armes. Peu après sa libération, Zeidan a pourtant appelé à l'apaisement. «J'espère que ce problème (mon enlèvement, ndlr) sera réglé avec raison et sagesse», en évitant «l'escalade» (sic), a-t-il déclaré dans une allocution retransmise à la télévision. Les autorités libyennes avaient annoncé dans la matinée son enlèvement, expliquant qu'il avait «été conduit vers une destination inconnue pour des raisons inconnues par un groupe» d'hommes qui seraient des ex-rebelles. La «Cellule des opérations des révolutionnaires de Libye» dépendant officieusement des ministères de l'Intérieur et de la Défense, a revendiqué cet enlèvement, affirmant avoir «arrêté» le Premier ministre «sur ordre du parquet général». Zeidan aurait «été arrêté conformément aux articles relatifs aux crimes et délits préjudiciables à l'Etat et aux crimes et délits préjudiciables à la sûreté de l'Etat», a précisé cette cellule. Le chef du gouvernement de transition a été enlevé à l'hôtel Corinthia où il réside pour des raisons de sécurité. Et surtout parce que les centres du pouvoir ont été détruits lors de la prise sanglante de Tripoli par les forces spéciales de l’Otan et leurs alliés djihadistes en août 2011. «Un grand nombre d'hommes armés sont entrés dans les lieux très tôt jeudi. Mais nous n'avons rien compris à ce qui se passait», a déclaré à l'AFP un employé de l'hôtel. Le gouvernement installé par les USA et l’Otan a qualifié d'«acte criminel» cet enlèvement et affirmé qu'il ne céderait pas au chantage. Le chef de la diplomatie Mohamed Abdelaziz, qui a annoncé la libération de M. Zeidan, n'a pas donné de détails sur les circonstances l'ayant permise. Cité par l'agence libyenne du gouvernement fantoche, Lana, le porte-parole du gouvernement, Mohamed Kaabar, a indiqué de son côté que M. Zeidan avait «été libéré et non pas relâché» par ses ravisseurs, laissant supposer une action extérieure. Selon des témoins, le Premier ministre était détenu dans un commissariat du quartier Al-Fernaj, dans le sud de la capitale. D'après ces sources, des habitants armés du quartier ont encerclé le commissariat et fait pression sur les ravisseurs jusqu'à sa libération.
Les séquelles du raid des Navy Seals américains à Tripoli
Le bref kidnapping du Premier ministre est intervenu cinq jours après la capture à Tripoli d'Abou Anas Al-Libi, un chef d'Al-Qaïda, par un commando américain. Cette opération a provoqué la colère de groupes d'ex-rebelles et de partis politiques islamistes et mis dans l'embarras le gouvernement libyen «made in USA» qui l'a qualifiée d'«enlèvement» et affirmé ne pas en avoir été informé. Les autorités libyennes ont enjoint mardi – fort platoniquement, les USA sont chez eux à Tripoli – les Etats-Unis de «leur remettre immédiatement Abou Anas Al-Libi». Au lendemain de l'opération, la «Cellule des opérations des révolutionnaires de Libye» avait annoncé un «état d’alerte maximum face (…) aux atteintes à la souveraineté du pays de la part des renseignements étrangers». Il faut savoir que cette cellule est «associée» au ministère fantoche de l’Intérieur libyen pour «assurer la sécurité à Tripoli».
La fiction du pseudo-Etat libyen fantoche
La fiction du pseudo Etat libyen fantoche, installé à Tripoli par l’Otan en 2011, se lézarde un peu plus chaque jour ! «L'enlèvement, jeudi, du Premier ministre libyen par des ex-rebelles met en évidence l'impuissance de l'Etat face à de multiples groupes armés, pourtant censés opérer sous les ordres des autorités libyennes», commente l’AFP. Ali Zeidan a été enlevé dans son hôtel à Tripoli, où il résidait depuis plusieurs mois justement pour des raisons de sécurité. « Ses gardes du corps, qui semblent avoir été surpris par l'assaut, sont à l'image des forces de sécurité libyennes : indisciplinés et mal formés». L'armée nationale étant toujours en cours de «construction», ce sont les milices, aguerries par leurs combats en 2011, qui sont montées en puissance, profitant du vide sécuritaire et étatique après la chute de la Jamahiriya. «Après l'effondrement de l'ancien régime, qui a entraîné dans sa chute toutes les institutions», reconnaît l’AFP – ces institutions dont on nous disait en 2011 qu’elles n’existaient pas ! –, «les autorités de transition ont confié aux ex-rebelles le contrôle des frontières, des prisons et des installations stratégiques du pays, donnant à ces milices une légitimité et un sentiment d'impunité». Les autorités ont distribué, par ailleurs, à tour de bras différents avantages et primes à ces groupes de combattants qui ont hérité d'un important arsenal militaire à l'issue du conflit de 2011. «Les milices profitent également de leurs positions pour contrôler la contrebande et se livrer à du racket», avoue encore l’AFP. «Ces groupes aux idéologies et motivations diverses refusent obstinément de déposer les armes, malgré les différents plans d'intégration dans les institutions de l'Etat, notamment les organes de sécurité, proposés par le gouvernement.» Leur argument est que «la révolution n'est pas finie» et qu'ils garderont leurs armes jusqu'à la réalisation de ses objectifs. En mars dernier, le Congrès général national (CGN), la plus haute autorité politique installée par l’Otan, avait ordonné l'évacuation des groupes armés en dehors de Tripoli. Mais cet ordre n'a jamais été mis à exécution. Encouragées par l'incapacité des autorités à reconstruire une armée et une police professionnelles, ces milices imposent leurs volontés par les armes. «Elles ont par exemple assiégé trois ministères en avril pour faire adopter une loi excluant du pouvoir les anciens collaborateurs du régime de Kadhafi», rappelle l’AFP. Les autorités sont tiraillées par des choix difficiles : recourir à la force au risque d'envenimer une situation instable, ou négocier, ce qui pourrait donner des signes de faiblesse de l'Etat. Après avoir tenu des propos fermes et «matamoresques» envers ces groupes incontrôlables, le Premier ministre Ali Zeidan a été contraint, récemment, de tempérer son discours après avoir été rappelé à l'ordre par ces groupes, et d'affirmer qu'«il n'y a pas de milices en Libye» mais seulement des thouars (révolutionnaires). On ne sait s’il faut en rire ou en pleurer. Les Libyens eux payent le prix du sang et de la misère. Le gouvernement évoque à ce sujet «sa volonté d'épargner les vies». Mais en réalité, c'est un aveu d'impuissance de l'avis de l’ex-ministre de l'Intérieur fantoche démissionnaire Achour Chawayel, qui a déclaré récemment à une télévision locale qu'«aucune force ne voulait s'engager pour combattre» les milices. Selon plusieurs observateurs libyens cités par l’AFP, «ces milices s'attaquent au pouvoir à chaque fois qu'elles estiment que leurs intérêts sont menacés par les nouvelles autorités». «L'enlèvement de Zeidan prouve la déliquescence de l'Etat libyen (…) et ce sont ceux qui détiennent les armes au nom de certaines idéologies qui gouvernent réellement le pays», a indiqué à l'AFP un analyste libyen sous couvert de l'anonymat. Pour Khaled al-Fadhli, l'enlèvement de Zeidan, cinq jours après la capture à Tripoli d'un chef présumé d'Al-Qaïda par un commando américain, «illustre le risque d'un possible glissement du pays dans un tunnel obscur». Selon lui, «il se pourrait que le pays soit entraîné dans la spirale de la guerre civile et des actes de vengeances terroristes perpétrés par Al-Qaïda», alors que «seul un dialogue inclusif sérieux et transparent est à même de permettre à la Libye de réussir sa transition démocratique».
Luc Michel
 

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