Alger des illusions
Ah ! Alger, capitale capitonnée, ennemie de la pensée et de l’homme libre ! La maladie d’Alger vient à bout de tout comme elle est venue à bout de tant de poètes ! Alger qui fabrique des rapprochements impossibles, qui délivre des emplois du temps et s’emploie à faire voir les aveugles. La ville où les vieillards se morfondent, où les jeunes parlent dans une bouillie de langage. Ah ! Alger, capitale des futilités, qui vit dans le confort du mensonge, le moral dans les chaussettes, la haine dans les poches. Ah ! Alger qui a perdu son âme. Les gens devraient sortir de leurs yeux et se regarder eux-mêmes. Nous chutons !
Je vis dans Alger dont je n’attends plus rien
Les gens sont les mêmes jamais renouvelés
Je la connais par cœur cette ville où il n’y a rien
Où s’écoule le temps sans qu’on puisse se parler.
Toute la journée crûment on déraille son langage
Nos pensées gavées de méditations moroses
Une jeunesse qui vieillit, qui grignote son âge
Et rien ne change rien ni les gens ni les choses
Alger n’est plus, Alger elle passe au désarroi
La vie se poursuit lente comme une gangrène
L’argent devient la seule idée, la seule loi
On est vraiment tout seul, on s’ennuie et on traîne.
On traîne à contrecœur son Andalousie perdue
Dans une ville sans âme, les rues des mirages
Alger semble un leurre, tout est confondu
On la croit grande et riche, elle n’est qu’un village.
Se réveillera-t-elle enfin la jeunesse terrible ?
Pour donner de la voix sans jamais déserter
En délivrant Alger de sa léthargie horrible
La ville blanche d’antan retrouvera sa fierté.
Si longtemps retenu le volcan va tonner
La lave s’écoulera jusqu’au Club des Pins
Notables et tribuns, faut pas vous étonner
De revivre 88, pour que cela change enfin.
S’entendent déjà les cris d’un certain Octobre
Mane habouche felfel lekhel ennhabou Raïs efhel
Le peuple jaillira comme dans les jours sombres
Pour tout casser, tout détruire, le système, les labels
Et les jeunes crieront dans la ville reconquise
L’Algérie doit changer dans la tête et dans tout
Le pouvoir est usé, autant qu’on vous le dise
Vous n’êtes plus rien et nous, nous sommes tout.
Abderrahmane Zakad
Tiré du recueil Le Patrimoine
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