Emouvant témoignage de la doyenne des Français en Algérie
Cécile Serra, la doyenne des Français d’Algérie qui avait décidé de rester vivre dans notre pays au lendemain de l’Indépendance, alors que beaucoup d’Européens avaient choisi de partir, a expliqué, dans un entretien paru dans la Lettre d’information de l’ambassade de France à Alger, Binatna, les raisons qui l’ont amené à ne pas se séparer de la terre qui l’a vu naître. Du haut de ses 94 ans, Mme Serra, comme aiment à l’appeler ses voisins avec affection, ne garde que de bons souvenirs de son vécu sur les hauteurs d’Alger, à Bir Mourad Raïs précisément, où elle est née en 1919, mais aussi à Alger où elle vit aujourd’hui. Et lorsqu’on lui demande pourquoi avoir choisi de rester en Algérie à l’Indépendance et si elle avait eu peur à l’époque pour sa vie, sa réponse est sans détour : «Pourquoi serais-je partie ? J'avais toujours vécu ici. Et puis, je n'ai jamais eu peur. Peut-être parce que je n'ai jamais été confrontée à quoi que ce soit qui aurait pu me faire peur. J'aime ce pays. Il y a tout ici : la mer, la montagne… Vous savez, je suis espagnole d'origine, française de nationalité et algérienne de cœur», tranche-t-elle. Et sa relation avec son voisinage qui sait évidemment ses origines européennes ? «C’est simple : je ne peux aller nulle part sans que l'on m'interpelle : comment tu vas, Mme Serra ? Les gens viennent me rendre visite, m'apportent à manger… C'est trop ! Mon congélateur déborde ! Et c'est sans parler de tous ceux qui m'écrivent !», tient-elle à témoigner à propos de cette relation si particulière, si intense, si chaleureuse qu’elle entretient avec tous ceux qui la connaissent. «Je ne sais pas ce que j’ai fait pour mériter tout cela mais, en tout cas, je suis une vieille dame gâtée», finit-elle par avouer comme pour marquer d’une pierre blanche les rapports profondément humains qui la lient à ses voisins algériens. Quels souvenirs garde-t-elle de son enfance qui coïncidait avec les années 20 du siècle dernier ? Là, nostalgique, la dame remonte le temps et égrène les images, les unes plus belles que les autres, qui ont coloré ses tendres années. «Birmandreïs (ancienne appellation de Bir Mourad Raïs, ndlr), à l'époque, c'était la campagne. Les champs s'étendaient à perte de vue. Il n'y avait pas de route. A la place, c'était des rangées et des rangées de figuiers de barbarie», raconte-t-elle, avant de poursuivre : «Et puis, nous sommes venus à Alger et mon père a fait construire la villa que j'habite encore aujourd'hui. Le dimanche, il nous emmenait à la mer dans sa carriole. Nous y passions la journée, à nous baigner et à pêcher. On ne s'ennuyait jamais !»
Amine Sadek
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