Lutte antiterroriste : pourquoi la conférence de Rabat est un fiasco
Encouragé par la France, le Maroc veut se donner l’illusion d’un leadership régional. Dernier fait en date, le royaume a organisé, hier jeudi, la Conférence régionale de la communauté des Etats sahélo-sahariens (CEN-SAD) «pour le renforcement de la sécurité des frontières entre les pays du Sahel et du Maghreb». Un événement auquel les Marocains veulent donner «une dimension internationale», car la rencontre, disent-ils, «réunit tous les protagonistes intéressés de près ou de loin par la situation économique et sécuritaire des pays du Sahel dont, entre autres, le ministre français des Affaires étrangères». Or, il y a un fait primordial à noter, l’Algérie, seul pays maghrébin à avoir des frontières avec tous les pays du Sahel, et donc principal acteur régional, est absente de l’événement. L’Algérie n’est même pas membre de la CEN-SAD, créée par le président libyen, feu Mouammar Kadhafi, et récupérée depuis peu par Mohammed VI pour tenter de se fabriquer une aura au Sahel. A quoi servira cette rencontre sans l’Algérie ? Les Marocains estiment insidieusement que l’absence de notre pays «confirme son obstination à vouloir jouer seule un rôle de puissance régionale, aux dépens des rôles complémentaires que peut jouer son voisin marocain». Un aveu d’impuissance clair face à l’Algérie qui se passe, en effet, du rôle insignifiant que peut jouer le Maroc et poursuit ses efforts par le biais du ministre des Affaires étrangères, Ramtane Lamamra, à travers notamment la Coordination de Tamanrasset qui regroupe en plus de l’Algérie, la Mauritanie, le Niger et le Mali. Alors, pour mieux contrer les efforts de la diplomatie algérienne, le Maroc a eu le feu vert de Paris pour organiser une contre-rencontre à Rabat avec l’objectif inavoué de torpiller les efforts de l’Algérie en matière de sécurisation de la région. Pour tenter d’affaiblir notre pays, le Maroc argue que le manque d’intérêt de la part de la diplomatie algérienne pour la conférence de Rabat résiderait dans le fait qu’elle est mobilisée en faveur du Front Polisario. Pour les Marocains, quel que soit le menu d’une rencontre internationale, la question du Sahara Occidental doit toujours être servie comme «hors-d’œuvre».
Laurent l’Africain
La France, il est clair, tire les ficelles pour renforcer sa présence dans la région, notamment à travers «un protectorat» de plus en plus visible sur le Maroc. La participation de Laurent Fabius à la conférence ne laisse aucune équivoque. Loin de s’intéresser de loin comme le suggèrent les Marocains dans leur description de l’événement, les Français semblent s’intéresser d’un peu trop près à la région. Pour bousculer l’Algérie et l’empêcher de jouer le rôle qui est le sien dans la région, surtout après les succès diplomatiques concrétisés par Lamamra, la France initie la rencontre régionale au nom du Maroc. Les participants à la Conférence débattront, selon la propagande marocaine, sur les moyens à mettre en œuvre pour le «renforcement de la sécurité des frontières» entre les pays du Sahel et ceux du Maghreb. Les Marocains viennent ainsi de découvrir les derniers actes terroristes perpétrés au Mali, au Niger, au Kenya, en Égypte, en Libye, en Somalie et en Tunisie, et leur dangerosité pour la zone sahélo-saharienne. Un réveil tardif qui serait plutôt lié au fait que l’Algérie a mis les bouchées doubles pour affronter cette menace par ses propres moyens. Ce sont justement les moyens dont dispose l’Algérie, contrairement au Maroc, qui expliquent la manœuvre de Paris pour tenter d’arrimer le Maroc à la lutte régionale conduite par l’Algérie contre le terrorisme. Malgré ces vérités reconnues par la communauté internationale, le Maroc se targue d’être «l’un des tout premiers pays à réagir promptement et de façon constructive pour contrer les menaces qui pesaient sur toute la région».
De «base arrière» à «poste avancé»
Pourtant, un bref regard en arrière nous renseigne sur des faits peu glorieux dans le domaine de la sécurité de la région. Le Maroc a même servi de base arrière au terrorisme. Il faut se rappeler l’épisode Abdelhak Layada, fondateur du GIA, réfugié au Maroc en juillet 1993 et ramené presque de force par les services de sécurité algériens après de sérieuses menaces contre Rabat. Layada avait d’ailleurs révélé à plusieurs reprises que le Maroc avait soutenu les groupes armés. Autre fait à se rappeler, les attentats de Beni Ounif qui avaient été menés, en juillet 2000, à partir du territoire marocain. Un événement qui a suscité la panique du royaume chérifien, accusé alors de servir de lieu de retranchement aux groupes terroristes, auteurs d’une série de carnages en territoire algérien. En 2004, des sites islamistes l’avaient confirmé en révélant que le représentant d’Al-Qaïda en Arabie Saoudite, Abdelaziz Al-Mokrine, était chargé, vers le milieu des années 90, d’acheminer des armes vers notre pays via le Maroc. Une histoire toute récente qui dément donc les allégations du Maroc. On serait même amenés à se demander si le Maroc n’avait pas un quelconque rôle dans ces crimes contre la sécurité de l’Algérie et de la région. Pourtant, le Maroc se vante, aujourd’hui, à l’occasion de cette conférence, de poursuivre sa contribution à «améliorer la sécurité, la paix et la stabilité, en activant notamment un comité sur la sécurité et la lutte antiterroriste». La même conférence veut consacrer la renommée de la diplomatie marocaine. Un grand leurre confirmé par le colonel marocain à la retraite Mohamed Mellouki, qui a reconnu de manière explicite, dans une contribution publiée par les médias marocains, l’isolement dans lequel se trouve actuellement le Maroc. Très critique à l’égard du gouvernement marocain dont les membres, notamment le ministre des Affaires étrangères, suggère-t-il, se sont endormis sur leurs lauriers en pensant, à tort, que le soutien de certaines puissances au royaume allait durer sur la question du Sahara Occidental. Pour éviter la débâcle totale, le Maroc veut parier sur ce qu’il appelle «la question de l’intégrité territoriale», faisant ainsi un parallèle insidieux avec le problème sahraoui, et en misant sur la place qu’il s’est octroyée en tant «que premier investisseur africain en Afrique de l'Ouest et celle de deuxième sur le continent». Ce serait plutôt en tant que pourvoyeur de drogue que le Maroc est connu. Des milliers de tonnes de kif qui inondent quotidiennement la région, et grâce auxquelles les trafiquants et les terroristes se renforcent et assurent leur déploiement dans la région. Une manne à laquelle s’ajoutent les rançons payées par les amis du royaume et qui font prospérer encore plus le terrorisme au Sahel.
Meriem Sassi
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