Ces députés qui refusent l’impôt sur la fortune
Ils sont riches, mais ils ne veulent pas payer d’impôt sur la fortune. Eux, ce sont ces députés qui se sont érigés contre l’introduction dans la loi de finances 2014 d’un impôt de solidarité sur la fortune. Bien que peu nombreux au sein de l’Assemblée populaire nationale, ces députés qui baignent dans le luxe ont réussi la prouesse de bloquer cet amendement salutaire qui allait réparer une flagrante injustice fiscale. Comment ? Selon une source très au fait du dossier, une forte pression a été exercée sur les membres de la commission économique de l’APN par un groupe de députés pour faire tomber cet amendement «inopportun». A leur tête, il y a bien entendu Mohamed Djemaï, député indépendant depuis 2002 et vice-président de l’APN depuis 2003, et Baha Eddine Tliba, qui s’est enrichi grâce à des activités commerciales juteuses. Ces deux fortunés de l’auguste assemblée étaient en grande partie à l’origine de la suppression de ce «fâcheux» amendement. Ils n’ont certes pas agi seuls. Ils ont eu tout d’abord le soutien politique d’Amar Saïdani, secrétaire général du FLN auquel ils ont fini par appartenir. Grâce à lui, les députés FLN, majoritaires, ont suivi et soutenu l’option du rejet de l’impôt sur la fortune. Djemaï et Tliba, qui ont pignon sur rue, ont ensuite mené une campagne agressive auprès de nombreux autres députés qui, loin des grandes causes de leurs électeurs, font des affaires, ajoute notre source. Une campagne qui a donné ses fruits, puisque l’amendement a été supprimé sans grandes difficultés. D’après notre source, Amar Saïdani, qui aurait été touché par cet impôt, a remercié Djemaï et Tliba pour leur «travail remarquable» afin de protéger les intérêts des riches et perpétuer la double injustice sociale et fiscale que subissent des millions d’Algériens. Ainsi, sans vergogne, ces soi-disant élus du peuple refusent toute solidarité avec les autres strates sociales moins loties qui constituent plus des trois quarts de la population. Le plus étonnant est encore le fait que le rejet de cet amendement instituant l’impôt sur la fortune n’a pas fait de vagues. Le non-aboutissement de cette démarche initiée par un député du Parti des travailleurs est passé presque inaperçu. Hormis quelques titres de la presse nationale qui ont relayé l’information, aucune réaction n’a été enregistrée notamment dans les milieux politiques et syndicaux. Y a-t-il autant de riches en Algérie pour qu’il n’y ait pas assez de voix pour défendre les pauvres ? L'amendement en question allait instituer un impôt de solidarité sur la fortune touchant quiconque disposant d'une fortune estimée égale ou supérieure à 100 millions de dinars. Comment peut-on être contre un tel impôt quand on sait que les salariés payent plus d'impôts que les autres contribuables. Selon les chiffres de la Direction générale des impôts, sur les 4 milliards de dollars versés au Trésor public au premier semestre 2013 au titre de l'IRG, 3 milliards de dollars ont été prélevés sur les salaires. L’Algérie fait partie des rares pays au monde où le salarié paye plus d’impôts qu’un commerçant ou un patron. De par leurs gros salaires, les députés sont déjà très mal vus au sein de la société. Avec ce refus d’instaurer un impôt solidaire sur la fortune, leur réputation se ternit davantage, eux qui de toute manière sont très mal élus.
Sonia B.
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