Que deviennent les dix-neuf harraga algériens détenus au Maroc ?
Dans une lettre adressée à sa famille et dont des extraits ont été publiés par la section de Chlef de la Ligue algérienne pour la défense des droits de l’Homme (LADDH), un des 19 harraga issus de cette région et détenus, depuis une année, au Maroc a livré un récit de ce que peut être une expédition qui ne tarde pas à tourner au cauchemar. Le jeune Chélifien raconte dans le détail et avec une certaine innocence les préparatifs et l’organisation de la traversée clandestine, le voyage en mer, l’interception de l’embarcation par la marine royale marocaine, les conditions de détention, les mauvais traitements auxquels sont soumis lui et ses copains d’infortune et l’absence de procès. C’est le 9 décembre 2012 que les 19 jeunes ont choisi de prendre la mer à bord d’une embarcation dotée d’un moteur de 130 CV, achetée pour un montant estimé à 1,8 million de DA, et d’un système GPS, acquis pour 29 000 DA. «Nous avions caché tout ça dans une plage de Ténès jusqu’à ce que les conditions météorologiques que nous suivions à travers l’internet se soient calmées. Munis de nos sacs à dos et après avoir réglé le GPS sur notre destination, nous sommes montés dans ce bateau de la mort à 22h pour ne démarrer qu’aux environs de 23h30 avec comme objectif d’atteindre la côte espagnole à Palma de Majorque», témoigne ce jeune qui se souvient de «ces moments tristes» de séparation avec le pays et la famille lorsque l’embarcation commençait à s’éloigner de la côte de Ténès. «Je voyais de très loin les lumières de la ville de Ténès et je m’accrochais à cet espoir de pouvoir rejoindre le paradis», raconte l’auteur de la lettre qui se souvient aussi de ces moments où «il n’y avait que l'eau et le ciel», ce qui a eu pour effet de déclencher le mal de mer chez certains de ses compagnons dont un a failli mourir. «Nous avons navigué dans les ténèbres et nous nous servions des lumières rouges et vertes des navires pour éviter la collision. Des heures après, le jour a commencé à se lever et à ce moment-là nous rencontrons des groupes de tortues de mer géantes qui tentaient de nous attaquer. Nous avons dû les canarder avec des oranges pour les faire fuir et continuer notre chemin», écrit dans sa lettre le jeune Chélifien, dans un récit qui ressemble à un scénario de film, quoique parfois décousu. «Il était 21h, et nous ne voyons aucune lumière à l’horizon ; c’est là qu’on a compris qu’on était complètement perdus», précise-t-il, indiquant que c’est aux environs de minuit qu’ils ont été «encerclés» par les gardes-côtes marocains qui les ont mis aux arrêts dans une région de l’est du royaume. Ils ont ensuite été transférés dans une prison à Oujda, dans l’Est marocain, non loin de la frontière avec l’Algérie. Le jeune évoque une «violence physique et verbale incessante» et dénonce l’absence de procès pour leur permettre de retrouver leur liberté. Cela fait donc une année que ces jeunes, qui n’ont commis aucun crime, se trouvent dans les geôles de sa majesté au mépris de toutes les conventions. C’est pour cela d’ailleurs que le bureau local de la LADDH à Chlef demande aux autorités algériennes, particulièrement au ministère des Affaires étrangères et à l’ambassadeur d’Algérie au Maroc, «de trouver une solution à ces détenus qui s’ajoutent à des centaines d’autres éparpillés dans les centres de détention».
Amine Sadek
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