L’Algérie pourra-t-elle récupérer ses avoirs détournés ?
Les affaires de corruption transnationale sont de plus en plus mises en lumière et traitées par la justice internationale, mais les résultats en termes de poursuites des auteurs et d’indemnisation sont décevants, puisqu’à peine 3% des montants en cause sont restitués aux pays concernés. Seulement 197 millions de dollars sur 5,8 milliards de dollars ont été restitués aux pays en question, révèle un nouveau rapport publié par l'Initiative pour la restitution des avoirs volés (StAR) intitulé «Left out of the Bargain» et ayant examiné la portée et la valeur de la résolution de 395 cas de corruption transnationale entre 1999 et le milieu de 2012. L’étude met en lumière l'intensification des actions de lutte contre la corruption d’agents publics et le nombre sans cesse croissant de transactions pénales conclues ayant débouché sur l'imposition de sanctions pécuniaires, mais sans que les avoirs financiers soient rendus au pays d’origine. Des conclusions qui, appliquées aux multiples affaires et scandales de corruption liés à la réalisation de gros contrats en Algérie, laissent peu d’espoir de voir notre pays dûment indemnisé. Les affaires de corruption et de pots-de-vin versés par plusieurs firmes étrangères et mettant en cause l’ancien ministre Chakib Khelil et Farid Bedjaoui, neveu de l'ex-ministre des Affaires étrangères Mohamed Bedjaoui, ou encore Moumen Khalifa, seront-elles un jour éclaircies ? Et même si elles le sont, l’Algérie recevrait-elle les dizaines de milliards de dollars usurpés sous couvert des marchés publics ? La réponse ne peut être que négative au vu des conclusions du document cité plus haut.
Seul un pays de l’OCDE sur cinq applique la convention contre la corruption
Un autre rapport ciblant les pays riches a démontré récemment que «seul un pays sur cinq ayant ratifié la Convention de l’OCDE contre la corruption en applique correctement les dispositions». «Les gouvernements des principaux pays exportateurs doivent intensifier leurs efforts pour empêcher leurs entreprises multinationales de se livrer à des actes de corruption au cours de leurs opérations commerciales à l’international», recommande un rapport de l’organisation Transparency International sur la mise en œuvre de la Convention de l’OCDE contre la corruption, publié le 8 octobre 2013. Selon le site de Transparency International qui publie le rapport, cette Convention, qui constitue un accord entre les 40 plus grands pays exportateurs, vise à mettre un terme aux pratiques consistant à corrompre des agents publics étrangers afin d’obtenir des marchés ou des licences, de contourner les lois en vigueur en matière de fiscalité ou d’échapper aux réglementations locales. Le rapport, intitulé «L’exportation de la corruption ? – Rapport d’évaluation 2013» indique que 30 des 40 pays signataires de la Convention, tous grands exportateurs, n’engagent que peu d’enquêtes et de poursuites pour des faits de corruption transnationale. Pour sa part, le coordinateur de StAR, Jean Pesme, insiste sur le rôle clé que doit jouer la communauté internationale pour faire valoir les conclusions du rapport. «Nous lançons un appel aux pays dont les agents publics auraient été corrompus pour qu'ils intensifient leur action en vue de mener des enquêtes et de poursuivre les agents concernés devant les tribunaux ; ils doivent utiliser tous les moyens à leur disposition pour s'impliquer dans les procédures de transactions pénales», affirme M. Pesme qui souligne que «les pays ayant essuyé les méfaits de la corruption transnationale ont besoin de l'assistance nécessaire pour accroître les chances d’identifier ces avoirs et les recouvrer». L’étude démontre que peu de fonds ont été restitués ou fait l'objet d'un ordre de restitution aux pays dont les agents publics étaient l'objet d'allégations de corruption. L'étude menée par StAR a analysé des transactions pénales dans lesquelles le pays de règlement différait de celui dans lequel s'était produit l'acte de corruption. L'effort mondial de lutte contre la corruption exige que soit menée une action vigoureuse à l'encontre de la corruption transnationale. La restitution des biens mal acquis à leurs propriétaires légitimes et la compensation des parties s'estimant lésées constituent un aspect fondamental de cet effort, note encore le rapport de StAR.
Meriem Sassi
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