Les élucubrations d’un officier de la DGSE sur le DRS
Alain Chouet, officier du renseignement français, parle de l’Algérie dans une interview à affaires-stratégiques.infos. Il considère, d’entrée, que les «apparatchiks momifiés» du pouvoir «ne sont pas un obstacle à une désignation consensuelle par l’appareil du FLN au sein duquel les négociations vont bon train sur fond de confusion et d’incertitudes sur le partage de la rente pétrolière et gazière, cœur du pouvoir». Evoquant les perspectives de la présidentielle d’avril 2014, cet expert du renseignement juge, à l’instar d’autres analystes, que le pouvoir en place verrouille le jeu politique et qu’il limite ses choix aux seules propositions émanant des cercles de décisions : report des élections, reconduction de Bouteflika ou appel aux «anciens» (Zeroual, Guenaïzia, etc.). Pour lui, «ce sont là autant de faux-fuyants qui ne visent qu’à amener la concurrence à découvrir son jeu pour mieux le contrer». Raffinant davantage son analyse, il estime que «selon toute probabilité et en fonction des pratiques locales, le paysage ne s’éclaircira que quelques jours avant l’échéance sauf si l’une des parties, s’estimant lésée, joue la carte d’un désordre toujours facile à susciter en Algérie». Interrogé sur la nature du pouvoir en Algérie, Alain Chouet estime qu’«il résulte d’un jeu oligarchique complexe de rapports de puissance, d’alliances mouvantes, de clientélisme et de chausse-trappes entre le haut commandement militaire, les caciques du FLN et quelques entrepreneurs entreprenants». L’expert se montre plus loquace en analysant le rôle et la place qu’occupe le DRS dans cette configuration politique, en considérant que le récent remplacement de deux directeurs principaux de cette institution – lesquels, dit-il, «ne cachaient guère leur hostilité au clan Bouteflika et aux affairistes qui l’entourent ainsi qu’aux compromis politiques avec les islamistes» –, témoigne de cette place prépondérante des services de sécurité algériens. Il souligne, à ce propos, que «le remplacement de Tartag à la tête du contre-espionnage (donc du contre-terrorisme) par le général Abdelhamid «Ali» Bendaoud, ancien correspondant du DRS à Paris, est très significatif», dans le sens où ce dernier est, selon cet expert, «supposé donner du DRS une image acceptable par tous à l’intérieur comme à l’extérieur, loin de la rigueur et de la brutalité affichées par Tartag, ainsi qu’à rassurer la nomenklatura des affaires». «De ce fait, enchaîne-t-il, sa mission est de mettre le DRS à l’abri des contestations et préserver son pouvoir et ses acquis dans la phase troublée qui s’annonce». Sur le plan géostratégique, Alain Chouet reprend d’autres clichés en affirmant qu’une sorte de «deal» tacite a été conclu entre les bandes se réclamant d’Aqmi et le pouvoir algérien, permettant à ces groupes de mener leurs petits trafics et actions de piraterie et de contrebande sur les frontières sud, «à condition d’y rester et de ne pas remonter vers le nord et de ne pas toucher aux tuyaux», autrement dit les puits de pétrole. Selon lui, tout a changé depuis l’attaque menée contre la base d’In Amenas. Alarmiste, il prévient que «la situation reste néanmoins instable et peut dégénérer à tout moment au moindre signe de faiblesse à Alger». Pour lui, l’Algérie est la première puissance régionale, mais «empêtrée dans ses problèmes internes d’accès aux richesses et de redistribution de la rente, elle s’est frileusement repliée sur elle-même et a renoncé à exercer ce rôle de puissance régionale que voulait lui faire jouer Boumediene de son temps».
R. Mahmoudi
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