Gouvernance par la rumeur à l’approche d’avril 2014
La gouvernance par la rumeur a toujours été le leitmotiv des pouvoirs bipolaires. Un gouvernement qui ne communique jamais, et qui ne s’adresse à la plèbe que contraint, ne peut pas se targuer de diriger un pays dans la clarté et de promouvoir la démocratie et la liberté. Faire prévaloir l’intrigue au détriment de la transparence a une seule conséquence : perdre à jamais la confiance des gouvernés. Depuis la maladie du Président, rien ne fonctionne normalement. L’entourage direct du chef de l’Etat, paniqué par l’approche de la fin de règne de celui qui a, durant trois longs mandats, joué à l’équilibrisme politique aux dépens de la compétence, a décidé de prendre les choses en main pour éviter de perdre le contrôle sur les rouages de l’Etat, verrouillés à triple tour en quinze ans de régime ultra-présidentiel. L’échéance présidentielle approche vite et rien n’a encore été trouvé pour pallier l’incapacité du président sortant à se succéder à lui-même une quatrième et dernière fois. Et comme rien ne filtre sur les intentions de ceux qui réfléchissent avec ou pour lui, la rue est abandonnée à ses supputations puisées des lectures en filigrane dans la multitude de médias qui foisonnent dans le pays dans un désordre total. Deux lectures s’entrechoquent durement. L’une croyant dur comme fer à une décision du président Bouteflika d’annoncer sa candidature pour une quatrième mandature, l’autre en riant et cherchant déjà le nom de celui qui aurait les coudées franches pour pouvoir déloger Bouteflika de l’inexpugnable palais d’El-Mouradia. Beaucoup de bruits circulent depuis l’épisode du Val-de-Grâce. Des montages grotesques montrant le Président «encore capable» de siroter un café tout seul aux gesticulations des politiciens intéressés et aux chants de stade interprétés d’une voix rauque par l’inamovible ministre de la Culture, en passant par les trivialités d’un Sellal en mal d’inspiration, tout est fait pour agiter la silhouette d’un Bouteflika qui ne semble pourtant souhaiter qu’une seule chose : rentrer chez lui. Les derniers murmures laissent entendre que Bouteflika se retirerait à la fin de l’année et que le Premier ministre, qui aura d’ici là terminé son éreintant pèlerinage à l’intérieur du pays, déposerait sa démission pour se préparer à la course pour la présidentielle. Le gouvernement ne changerait pas et seul un nouveau chef de l’Exécutif, puisé dans la même marmite, gérerait les affaires courantes, tandis que les hommes du Président – Belaïz, Louh et Medelci – et la légion des travailleurs politiques occasionnels se chargeraient d’assurer un transbordement bruyant du navire Bouteflika à un nouveau vaisseau à l’apparence neuve, mais en avarie moteur au cœur d’une houle menaçante.
M. Aït Amara
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