L’ex-patron de la CIA : «L’effondrement de l’Etat syrien va changer la géographie du Moyen-Orient»
L’ancien directeur de la CIA Michael Hayden a fait des révélations fracassantes sur le conflit syrien et le plan en cours pour le démembrement de ce pays. Lors d’une conférence sur le terrorisme, organisée jeudi à Washington par le groupe de réflexion Jamestown Foundation, cet ancien responsable de la plus grosse agence de renseignement, connue pour ses coups fourrés dans les quatre coins de la planète, prédit le pire pour la Syrie et estime que la seule voie de salut reste la victoire du président Bachar Al-Assad sur la rébellion. Pour lui, trois scénarios «tous affreux» sont possibles en Syrie. Et le moins horrible pour lui est que l’Etat incarné par le président Assad gagne face à la rébellion. Dans le cas contraire, il n’y aura plus de Syrie, d’après lui. Très alarmiste, cet ex-parton de la CIA (2006-2009) affirme qu’«en ce moment, aussi horrible que cela paraisse, je suis enclin à penser que cette option serait la meilleure de ces trois très horribles issues éventuelles au conflit». «La situation devient chaque minute plus atroce», souligne-t-il, prédisant dans l’état actuel des choses la dissolution du pays entre factions rivales. «Cela signifie aussi la fin des frontières dessinées en 1916 lors des accords franco-britanniques de Sykes-Picot. Cela entraînerait la dissolution des Etats artificiellement créés dans la région après la Première Guerre mondiale», a-t-il lancé à la hussarde devant un parterre de journalistes médusés. «Je crains fort la dissolution de l'Etat syrien. Cela provoquerait la naissance d'une nouvelle zone sans gouvernance, au croisement de la civilisation», a-t-il insisté pour faire comprendre à toute l’assistance qu’il ne s’agissait nullement d’une erreur. Le pire est que, d’après lui, tous les Etats de la région, notamment le Liban, la Jordanie et l'Irak seraient affectés et leur existence serait très fortement menacée. «La narration, l'histoire dominante de ce qui se passe en ce moment en Syrie est la prise de contrôle par des fondamentalistes sunnites d'une partie significative de la géographie du Moyen-Orient», a-t-il soutenu, affirmant que «la disparition probable de l’Etat syrien changerait radicalement la géographie du Moyen-Orient». Michael Hayden, qui connaît assez bien la région, a fait part de son autre scénario, selon lequel les combats se poursuivront indéfiniment «avec des fanatiques sunnites combattant des fanatiques chiites et vice-versa». «Le coût moral et humain de cette hypothèse est absolument prohibitif», a-t-il prévenu. Pour lui, il ne peut pas y avoir de scénario plus terrible que celui qui se déroule actuellement en Syrie. Pour Michael Hayden, qui a également dirigé l'Agence nationale du renseignement (NSA) de 1999 à 2005, l’Occident doit ainsi mesurer la gravité de la situation et opter pour la meilleure issue possible à ce terrible conflit dont en dépend toute la région. Les déclarations de cet ancien responsable du renseignement américain interviennent au moment où l'Armée syrienne libre (ASL), en perte de vitesse face aux islamistes et jihadistes, a subi un nouveau revers après la suspension par Washington et Londres de leurs aides non létales. Une décision prise après que des combattants islamistes se sont emparés d'un passage clé à la frontière turque, des sièges de l'ASL ainsi que de ses dépôts d'armes. Le poids des groupes jihadistes dans cette guerre livrée au régime syrien a fini par convaincre les pays occidentaux de ne pas fournir des armes aux rebelles, de peur qu'elles ne tombent aux mains des extrémistes. Sur le terrain, les groupes extrémistes continuent les massacres et multiplient les exactions contre les civils. Le pays, longtemps stable, semble ainsi dans le chaos. Un chaos qui menace tous les pays du Moyen-Orient. Y compris les monarchies du Golfe qui continuent de soutenir la rébellion.
Sonia B.
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