Sentiment d’exclusion
Par Kamel Moulfi – Avec un énorme retard, les hauts fonctionnaires algériens découvrent le monde absurde de la bureaucratie qu’ils ont instaurée et entretenue durant des décennies, écrasant le citoyen «ordinaire» qui ne bénéficie pas de connaissances bien placées ni de l’argent pour «huiler» la machine et faire aboutir dans le délai normal sa demande. Ils constatent que la liste, qu’ils ont eux-mêmes établie, des papiers exigés pour la constitution des dossiers administratifs est trop longue et qu’une bonne partie est à supprimer. A la bonne heure ! Mais la «volonté politique», comme on l’appelle, exprimée dans les discours officiels, suffira-t-elle ? La bureaucratie est devenue un des principaux fléaux de l’Algérie. Le principe républicain de l’égalité des chances est pratiquement absent des pratiques du service public. Le piston fait des ravages, le clientélisme à base régionaliste ou politique aggrave le sentiment d’exclusion. Pour avoir un rendez-vous rapproché, en cas d’urgence, vu les délais allongés de traitement des dossiers dans certaines administrations, il faut connaître quelqu'un ou payer, ça va plus vite. Pourquoi ? Là interviennent les «rendeurs de services», généralement des hauts fonctionnaires, qui ont tissé de véritables réseaux au sein des administrations. Ce n’est pas d’une réforme dont a besoin le service public, mais d’une révolution et en urgence. Cette situation fait fuir non seulement les jeunes qui risquent leur vie dans la harga, mais également les nouveaux diplômés et les cadres de haut niveau qui tentent leurs chances ailleurs, et même les investisseurs venus de la diaspora qui ne tardent pas à connaître la désillusion. Le combat contre la bureaucratie est en même temps un combat contre la corruption. Car les lenteurs et les lourdeurs de l’administration ne sont pas seulement le fait de fonctionnaires zélés ou incompétents, qui interpréteraient mal les dispositions de la loi, mais aussi d’agents corrompus qui ont trouvé le moyen d’arrondir leurs fins de mois pour ceux du bas de l’échelle et de s’enrichir très rapidement pour ceux qui sont placés dans les postes «stratégiques». La corruption roule sur la voie royale que lui ouvre la bureaucratie.
K. M.
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