La visite officielle de Jean-Marc Ayrault en Algérie peu suivie par les médias français
Mis à part un ou deux entrefilets et un article aux forts relents d’alarmisme du quotidien Libération – une habitude –, presque rien n’a été écrit sur la visite que le Premier ministre français, Jean-Marc Ayrault, a entamée hier soir en Algérie. Ce déplacement qui suscite un intérêt majeur de ce côté-ci de la Méditerranée n’est pas perçu avec le même enthousiasme dans l’Hexagone. Pourtant, explique-t-on, il s’agit d’ouvrir une nouvelle page dans les relations tumultueuses entre l’ancienne puissance coloniale et sa dernière et plus importante ancienne colonie. Qu’est-ce qui explique ce black-out médiatique en France ? Plusieurs raisons y concourent. D’abord, la crainte de faire grincer des dents le voisin marocain, considéré par Paris comme sa tête de pont au Maghreb, face à une Algérie récalcitrante et peu encline à s’aligner docilement sur la politique arabe et africaine de la France. Alger et Paris ne sont d’accord sur rien dans les événements qui secouent le monde arabe et la situation dans le Sahel où les deux pays se disputent le leadership, le premier de par sa position géographique et sa puissance de feu et le second pour des considérations historiques et économiques. Les Marocains, très agités actuellement car très affaiblis économiquement, tiennent mordicus à leur dépendance envers cette France qui couvre leurs dérapages au Sahara Occidental et active avec zèle auprès des institutions européennes pour avaliser un accord bilatéral sur la pêche, bien que les richesses halieutiques dont il est question reviennent de droit au peuple sahraoui. Car il ne faut pas se leurrer, si les gouvernements français successifs – droite et gauche confondues – lorgnent du côté de l’Algérie où les richesses et l’aisance financière font saliver des hommes d’affaires français en mal de débouchés, vu la crise, ils ne sont pas prêt de lâcher leur portion de territoire qu’est le Maroc, où se trament les plans les plus diaboliques pour tenter d’éroder le rôle prépondérant de l’Algérie dans la région. Ensuite, parce qu’une surmédiatisation de l’Algérie risquerait de montrer la France comme une ancienne puissance coloniale qui collerait aux basques de son ancienne colonie, auprès de laquelle elle solliciterait «indécemment» une aide pour se sortir de sa mauvaise posture. Une telle démarche serait d’autant plus décriée que la France a été parmi les pays occidentaux qui ont, par leur attitude machiavélique, le plus nui à l’Algérie durant la décennie noire. Il faut rappeler que ce pays avait fait preuve d’un manque de discernement et d’une hostilité flagrants, au point d’isoler le pays et de le faire soumettre à un embargo international, le privant ainsi de moyens pour faire face à l’hydre du terrorisme. La France a été sinon le seul, du moins le premier pays à appeler obstinément au rétablissement des extrémistes islamistes du FIS dans «leur droit». Plus grave, elle a tout fait, depuis l’arrêt du processus électoral de janvier 1992, pour que les terroristes du GIA soient absous de leurs crimes que des cercles malintentionnés et manipulés dans l’ombre par la classe dirigeante française attribuaient à l’armée algérienne en vue de la saper – une politique de déstabilisation que la France mène, d’ailleurs, en ce moment même en Syrie. Cet épisode n’est pas terminé, puisque l’assassinat des sept moines de Tibhirine, suite à un désaccord entre les services secrets français et le Quai d’Orsay à l’époque, continue de servir de carte entre les mains des autorités françaises dans ce qui s’apparente à un jeu de coinche où la France voit, pourtant, ses atouts tomber l’un après l’autre. A Alger, le Premier ministre français et son homologue algérien vont redistribuer les cartes pour une nouvelle partie où le Valet change de main.
M. Aït Amara
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