L’ex-adjoint de Ben Laden : «Je déconseille aux jeunes d’assassiner les musulmans sous couvert du djihad»
L’ancien mufti d’Al-Qaïda, Abou Hafs, troisième homme dans cette organisation terroriste, a rapporté, dans un entretien à la chaîne de télévision émiratie Al An, la version qui a circulé dans cette organisation à propos de la mise hors d’état de nuire de Ben Laden, et selon laquelle l’armée américaine aurait été guidée vers sa maison par une puce implantée par les services américains sur sa femme qui se trouvait en Iran et qui l’a rejoint au Pakistan. Il donnera sans doute plus de détails dans ses Mémoires qu’il compte publier bientôt et dans lesquelles il raconte sa présence dans Al-Qaïda aux côtés de Ben Laden. Ce sera, dit-il, le premier livre qui sortira de l’intérieur d’Al-Qaïda écrit par un de ses anciens dirigeants. Il rappelle qu’après avoir été chassé du Soudan où Al-Qaïda se trouvait entre 1992 et 1996, Ben Laden est allé en Afghanistan et c’est de là qu’il a lancé le djihad contre les Etats-Unis. En désaccord sur cette question, Abou Hafs a quitté Al-Qaïda. Après la chute des taliban en Afghanistan, Abou Hafs a été contraint de se rendre en Iran. Il raconte les conditions de son séjour ainsi que les relations avec les dirigeants iraniens et les rencontres qu’il a eues avec eux. Il critique leur duplicité. Selon lui, l’Iran a aidé les Etats-Unis à occuper l’Afghanistan et en même temps a accueilli de gens d’Al-Qaïda et des taliban. Il estime que la présence d’anciens d’Al-Qaïda en Iran était considérée par les dirigeants iraniens comme une carte entre leurs mains qu’ils pouvaient utiliser. Trois anciens chefs d’Al-Qaïda sont en toujours en Iran dans une situation d’otages. Il y avait de grandes divergences entre Ben Laden et les taliban. Abou Hafs estime qu’il les a trahis alors qu’ils l’avaient protégé. Au sein d’Al-Qaïda, tout le pouvoir était centralisé aux mains de Ben Laden et le djihad contre les Américains a été lancé par ce dernier, sans consulter ses adjoints ni la commission juridique, que dirigeait Abou Hafs et qui était chargée de juger de la licéité des actions. Mais, pour autant, les attentats du 11 septembre n’étaient pas une surprise pour les terroristes d’Al-Qaïda qui étaient en Afghanistan – Abou Hafs lui-même était alors à Kandahar –, «on savait même le jour où ça devait arriver ; le mardi 11 septembre 2001, nous attendions l’information, par contre, personne ne connaissait les détails de ce qui allait se passer, c'est-à-dire : où et comment». Pour Abou Hafs, c’est l’attentat du 11 septembre et la guerre en Afghanistan qui ont permis le développement d’Al-Qaïda. La mort de Ben Laden n’a rien changé à Al-Qaïda. Ses «branches régionales» échappent à l’influence des chefs qui sont en Afghanistan. Quant à Ayman Zawahiri, il n’a aucun contrôle sur les branches régionales d’Al-Qaïda du fait de divers facteurs dont l’éloignement géographique, les difficultés de communication… Les branches régionales prennent leurs décisions seules, localement. Opposé au djihad et notamment aux attentats de Nairobi, Abou Hafs déconseille aux jeunes de suivre cette voie et de s’en prendre aux autres musulmans en les assassinant. A propos des destructions de monuments historiques, mausolées et particulièrement la bibliothèque de Tombouctou, au Mali, il ne pense pas que les terroristes d’Al-Qaïda en soient les auteurs, et n’exclut pas que les soldats maliens ou français soient derrière ces actes.
Kamel Moulfi
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