La France perd pied en Afrique au profit de la Chine
L’influence de la France sur le plan économique en Afrique s’érode de jour en jour, bousculée par un concurrent de poids : la Chine. Et les chiffres rendus publics par Global Trade Atlas (données GTA/GTIS pour les onze premiers mois de 2013) sont là pour le démontrer. On savait, certes, que l’empire du Milieu avait commencé il y a quelques années déjà à s’implanter dans différents pays africains par le biais d’investissements directs, mais aussi à travers une politique d’exportation de marchandises qui a fini par devenir une constante, y compris dans les pays francophones du continent. Cependant, les chiffres relatifs à la dernière décennie font ressortir une configuration qui est en train de changer en faveur de la Chine, alors que les statistiques pour les entreprises françaises ont entamé un mouvement vers la baisse qui semble inexorable. Un mouvement que confirment les experts français qui constatent que la part de marché de la France en Afrique a décliné de 10,1 % à 4,7 %, alors que celle de la Chine sur le continent africain est passée de moins de 2 % en 1990 à plus de 16 % en 2011. La base de données GTA/GTIS, qui reprend les chiffres du commerce extérieur établis par les Douanes chinoises, est plus explicite puisqu’elle permet de dresser une carte plus détaillée de la conquête de la Chine en Afrique. En se fondant sur les montants des exportations des onze premiers mois de 2013, on s’aperçoit, d’abord, que quatre pays africains figurent parmi les cinquante premiers pays clients de la Chine. Il s’agit, par ordre d’importance, de l’Afrique du Sud, du Nigeria, de l’Égypte et de l’Algérie, seul État francophone. Ils sont douze pays africains à s’ajouter à la liste, dont quatre francophones : Maroc, Bénin, Togo, Cameroun. Deuxième constat, dans le Top 100 des pays clients de la Chine pendant les onze premiers mois de 2013, certaines hausses des exportations sont spectaculaires, comme en Tanzanie (+ 45 %) et au Cameroun (+ 43 %), alors que les baisses ne sont sensibles qu’au Liberia (- 35 %) et au Togo (- 25 %). Et encore existe-t-il une grande différence entre ces deux derniers : au Togo, la diminution des livraisons chinoises s’est produite après une forte hausse, alors qu’au Liberia, le recul était déjà engagé l’année précédente. GTA souligne que, de façon générale, dans les pays où la Chine perd du terrain en 2013, elle en avait gagné l’année précédente. C’est le cas notamment en Égypte, où la baisse, certainement engendrée par les événements politiques, est, toutefois, modeste (- 2,32 %). En revanche, en Algérie, les exportations chinoises ont gagné 6,85 % à 4,13 milliards d’euros durant cette période, réussissant à détrôner la France en tant que premier pays fournisseur. En Afrique du Sud, elles ont progressé de 10,93 % à 11,73 milliards de janvier à novembre 2013. Au Nigeria, les livraisons chinoises ont bondi de 25,8 % à 8,19 milliards d’euros, ce pays creusant ainsi un écart substantiel avec l’Égypte (5,65 milliards d’exportations chinoises), troisième nation cliente devant l’Algérie. Les experts français notent, de leur côté, que même dans les 14 pays utilisant le franc CFA, autrement dit une partie de l’Afrique francophone sous influence française, les entreprises françaises font jeu égal avec la Chine, avec une part de marché de 17,2 % contre 17,7 % en 2011, alors qu’auparavant elles évoluaient sur un terrain conquis. En examinant la base de données GTA/GTIS, un troisième constat s’impose. Au-delà de ses 100 premiers pays clients dans le monde, la Chine gagne du terrain dans toute une série de marchés africains encore restreints pour elle, même ceux où la France continue à dominer largement, comme le Congo. Du Mozambique (+ 24,4 %) au Tchad (+ 141,5 %), en passant par la Mauritanie (+ 26,9 %), l’empire du Milieu creuse ainsi son sillon en Afrique.
Amine Sadek
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