Un livre intitulé «Renault, nid d’espions» révèle la face cachée de la firme automobile française
S’étant imposé jusque-là comme le groupe industriel intouchable dans le fameux indice boursier du CAC40, le constructeur automobile français Renault doit faire face actuellement à des accusations d’une gravité qui dépassent l’entendement pour une entreprise considérée comme modèle. Si aujourd’hui les langues se délient, c’est que la situation est devenue intenable pour les cadres et travailleurs du groupe. C’est un journaliste français, Matthieu Suc, qui a réussi à jeter la lumière sur une machination industrielle où corruption, manipulations et espionnage se mêlent, au service parfois de forces occultes. Renault, nid d'espions, paru aux éditions du Moment, s’il peut se lire comme une enquête approfondie qui va dans les entrailles de la gestion et du fonctionnement d’un groupe industriel, s’impose presque comme un polar au vu des situations rocambolesques qui y sont décrites avec une extrême minutie. C’est que l’intrigue, le flou entretenu, les manipulations, les règlements de comptes, les peaux de banane, les menaces et représailles contre des cadres et des travailleurs sont, visiblement, devenus des constantes dans la gouvernance de cette entreprise. Tout y passe. Fruit de trois ans d’enquête, Renault, nid d’espions propose, à travers de nombreux témoignages et documents inédits, une plongée hallucinante dans une entreprise mythique où les barbouzes manipulent les polytechniciens. Une histoire glaçante. Pourquoi ? Parce que tout est vrai, réplique-t-on. «J’avais couvert la vraie fausse affaire d’espionnage pour France Soir et il me restait beaucoup de choses à raconter. Cette affaire est en fait un vrai roman d’espionnage, qui oscille entre comique et tragique, mais je voulais aller plus loin. L’affaire me permet de raconter les dessous d’une grande entreprise du CAC40, avec son lot de barbouzeries, les hommes qui se détestent, d’autres qui s’admirent. Si cette affaire a éclaté, c’est parce qu’une véritable paranoïa règne chez ce constructeur», révèle Matthieu Suc dans une interview accordée au journal L’Usine Nouvelle. «Le problème vient de Carlos Ghosn et de la peur qu'il engendre parmi ses plus proches collaborateurs. En 2005 déjà, une source anonyme expliquait à la presse que Carlos Ghosn vivait entouré d’une cour de béni-oui-oui qui n’osaient jamais le contredire, et que cette situation poserait un jour un problème. Avec l’affaire d’espionnage, nous sommes dans ce cas de figure», estime le journaliste auteur de l’ouvrage qui livre quelques explications sur l’ampleur prise par le phénomène de l’espionnage. Matthieu Suc évoque, notamment, la reconversion de nombreux ex-espions suite à l’effondrement de l’URSS dans la sécurité des entreprises et la lutte contre l’espionnage industriel, qui «doivent bien un jour justifier leur salaire et alimentent la paranoïa des grands patrons». «Il aura fallu dix ans à Renault pour devenir le théâtre des complots et des coups fourrés», note le journaliste qui livre, en sus, quelques escobarderies des responsables de l’entreprise. «On transporte un adolescent de nuit dans un coffre de voiture pour qu’il pirate les ordinateurs des employés, on enquête sur la vie sexuelle des syndicalistes. On fait croire à des ingénieurs qu’ils sont pourchassés par de sanguinaires Tchétchènes, on interroge un sous-traitant dans un faux commissariat.» Le journaliste rapporte aussi que quatorze salariés sont licenciés sur la base d’accusations «farfelues», alors que sept suicidés sont recensés dans les effectifs du Technocentre. Si le journaliste indépendant revient longuement sur l’affaire de l’espionnage industriel chez Renault et qui avait défrayé la chronique, il s’avère que ce n’est là que l’arbre qui cache la forêt. Apparemment, c’est juste la goutte qui a fait déborder un vase déjà plein à ras bord. Le mal est trop profond pour être camouflé et il est peu probable que de telles pratiques épargnent la filiale algérienne de la marque au losange qui caracole en tête des ventes automobiles depuis de longues années, et dont une partie des bénéfices sert à financer des journaux algériens inféodés au Quai d’Orsay.
Amine Sadek
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