Le Mondial de trop ?
Par Kamel Moulfi – Sous le mot d'ordre «la Coupe du monde n’aura pas lieu», les premières manifestations anti-Mondial se sont déroulées à Sao Paulo, au Brésil. Les manifestants veulent exprimer leur refus de voir des dépenses colossales (plus de 15 milliards de dollars) investies dans l'organisation du Mondial de football alors que, selon eux, le pays, marqué par une fracture sociale énorme entre riches et pauvres, a besoin d’investissements massifs dans les services publics – transports, santé, éducation –, jugés précaires. Ces manifestations qui se sont terminées dans la violence font peser, à moins de cinq mois de son coup d'envoi, une lourde hypothèque sur la Coupe du monde au point où nombre d’observateurs se demandent si le Brésil, pays où est né le football, ne sera pas le lieu de sépulture de son événement le plus prestigieux. L’interrogation ne manque pas de pertinence quand on constate les effets de l’intrusion du monde de l’argent et des affaires dans le football. Dans un contexte de crise économique internationale sévère, la Fifa connaît une prospérité qui doit faire bien des envieux. En 2010, la Coupe du monde organisée en Afrique du Sud a rapporté 4,2 milliards de dollars, dont 2,4 milliards pour les seuls droits de télédiffusion. A l’échelle des clubs aussi, les affaires marchent bien. Selon un rapport publié tout récemment par le cabinet Deloitte, pour la saison 2012-2013, le chiffre d'affaires du Real Madrid, club de football le plus riche du monde, a atteint, dans une Espagne en crise, 518,9 millions d'euros, en augmentation par rapport à la saison 2011-2012. Real Madrid a remporté 119 millions d'euros grâce aux tickets, 188,3 millions d'euros de droits télévisuels et 211,6 millions d'euros par le biais de la publicité, du sponsoring et du marketing. D'après ce rapport, les revenus du Top 20 des clubs les plus riches du monde ont atteint 5,4 milliards d'euros, plus que la saison passée. Les joueurs, personne ne l’ignore, gagnent des fortunes. Un système d’incitation spécial leur promet des primes de plusieurs centaines de milliers d’euros s’ils remportent la finale. C’est contre cette perversion du football, le sport-roi, que ses premiers adeptes dans le monde, les Brésiliens, s’insurgent, décidés visiblement à y mettre fin. La présidente du Brésil, Dilma Rousseff, ne semble pas craindre que la Coupe du monde se transforme en un cadeau empoisonné pour la dernière année de son mandat à la tête du pays et avant l’élection présidentielle prévue le 5 octobre 2014. Elle a même promis d'organiser la meilleure Coupe du monde de l'histoire. Le président de la Fifa, Sepp Blatter, aussi, se dit confiant. Il ne veut pas admettre que les manifestations qui avaient perturbé la Coupe des Confédérations l'année dernière se répéteront lors du prochain rendez-vous footballistique. Selon les ONG anti-Mondial, non seulement les manifestations seront organisées, mais elles seront mieux structurées et plus efficaces, de quoi perturber, sinon empêcher, le déroulement de la compétition.
K. M.
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