Le collectif des Femmes de la Casbah répond à Yacef Saâdi : «Non à la falsification de l’Histoire !»
Le collectif des Femmes de la Casbah dénonce, au nom des moudjahidate, «les faux témoignages» de «certains sans âme et sans scrupule», et s’élève contre ce type de manipulations «qui continuent à servir l'ennemi». Le collectif estime qu’«il faut recueillir les témoignages des combattantes avant et après leur victoire sur l'oppression coloniale, et laisser enfin les historiens faire leur travail». Dans un communiqué parvenu à Algeriepatriotique, les moudjahidate notent que «le temps presse» et que «la mémoire faillit» : «Certaines, disent-elles, sont parties dans l'anonymat sans avoir eu l'opportunité de nous narrer leur lutte, parler de leur passé et réaffirmer leur engagement.» Le collectif des Femmes de la Casbah appelle, par ailleurs, à «barrer la route aux falsificateurs de l'Histoire dans un but purement mercantile pour souiller la mémoire des moudjahidate», en réponse à la récente déclaration de Yacef Saâdi sur Zohra Drif. «Il est du devoir de tous, estime le collectif, de se mobiliser pour sauvegarder la mémoire de celles qui peuvent encore raconter l'histoire de leur vie et transmettre le sens de leur combat pour la liberté aux générations présentes et futures.» «Tous ne connaissent pas les faits de la mère ou de la sœur. Certains cherchent encore aujourd'hui les témoignages de leurs compagnons d'armes pour justifier leur moment de liberté durant la lutte de l'indépendance», écrit encore le collectif qui rappelle que, si l'homme s'est soulevé contre l'oppression coloniale, la femme algérienne «a mené deux luttes de libération : l'une contre son aliénation et l'autre contre la colonisation». «Elle a engagé, ajoutent ces moudjahidate, la première lutte contre les "mâles", car il fallait s'émanciper des pratiques archaïques et s'affranchir de son rôle de mineure à vie.» En effet, rappelle à juste titre le collectif des Femmes de la Casbah, la femme «était une mineure condamnée à perpétuité, sans avoir commis le moindre délit, aux tâches secondaires et sans avenir autre que celui de gardienne des traditions, au détriment de la raison et à l'encontre de l'évolution. Elle a lutté contre son propre milieu pour gagner sa liberté par l'action et enfin agir aux côtés de ses frères d'armes contre le système colonial». Le collectif ajoute : «Les agents du système colonial et leurs acolytes, connus aujourd’hui (allusion à Yacef Saâdi ?, ndlr), ont souvent tenté de dresser la femme contre les hommes en les torturant et en les humiliant devant elle, pour en faire des alliées, mais cela fut en vain ; la moudjahida a su intelligemment déjouer ces pièges et a su résister à ce marchandage, hiérarchiser ses valeurs, réorganiser sa vie, fixer ses priorités avec détermination, convaincue qu'elle ne peut être libre dans le cadre d'un système colonial répressif et discriminant.» Ces moudjahidate rappellent encore que la femme algérienne a été, comme les hommes, arrêtée et torturée» et elle a subi les sévices «avec courage et abnégation». A l'instar des hommes, ajoutent ces femmes dans leur mise au point à Yacef Saâdi, les moudjahidate ont «enduré une double torture physique et psychologique» et «les sévices endurés ont fait d’elles des victimes réelles, des coupables potentielles, mais des martyres perpétuelles», car, une fois l'indépendance acquise, ces moudjahidate – «à l’exception de quelques icônes, qu'on a d'ailleurs maintenues dans une fonction mythique, tels des spécimens originaux déshumanisés» –, «souffrent en silence dans l'isolement et la solitude».
Meriem Sassi