Le «démocrate» censeur
Par Kamel Moulfi – Si le Premier ministre turc, Erdogan, n’était pas pris dans le piège de la fausse image de modernité que lui ont collée ses amis occidentaux, il aurait peut-être déclaré Internet «kofr». A la fin janvier 2014, la Turquie en était à plus de 40 000 sites internet bloqués. Au départ, le prétexte a été de lutter contre tout ce qui pouvait être considéré, aux yeux des islamistes turcs, comme une atteinte aux bonnes mœurs. Les mots «jupe» ou «blonde», par exemple, ont entraîné l’extinction de sites d’information. Mais le rôle d’internet, en contournant l’autoritarisme du régime d’Erdogan, s’est étendu à la lutte contre la corruption. Des sites et plateformes se sont spécialisés dans les informations sous forme d’enregistrements et de vidéos qui portent sur la dénonciation de la corruption. Leurs révélations ont éclaboussé jusqu’à la famille d’Erdogan. Pour l’AKP, le parti au pouvoir, le seuil de l’inadmissible a été atteint. Pour y mettre fin, le prétexte est, cette fois, l’«atteinte à la vie privée», ou les propos «discriminatoires ou insultants à l’égard de certains membres de la société». Ainsi, comme cela a été cité quelque part, publier une facture d’eau douteuse parce que démesurément élevée, et donc suspecte de cacher une pratique de corruption dans un ministère du gouvernement Erdogan, est maintenant un motif de censure d’internet. Une loi permet à Erdogan de bloquer n’importe quel site qui publierait des informations sur la corruption au sein du pouvoir. La Turquie que les Occidentaux veulent nous présenter comme modèle de pays dirigé par des islamistes «modérés», voire modernes et intègres, est en fait, dans ses sphères dirigeantes, un nid qui grouille de corruption. Erdogan n’a trouvé que la dérive autoritaire pour sauver son régime. Il lui sera pourtant difficile de faire croire, à l'instar de ses amis du Qatar qui n'y parviennent pas, qu’il est un champion de la démocratie.
K. M.
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