Qu’Allah protège notre pays de la malédiction du 4e mandat !

L’être humain naît, croît, dépérit et meurt. Certains refusent cette fin tragique avec effroi, à l’exemple des adeptes du 4e mandat. En effet, le Président étant âgé et malade, ne s’acharnent-ils pas à le maintenir au pouvoir à des fins personnelles ? Après trois mandats consommés, le changement n’est-il pas la priorité ? D’autant plus que son bilan semble mitigé. Pour ses partisans subjugués, Abdelaziz Bouteflika est un exceptionnel président qui doit demeurer aux commandes jusqu’au terme de sa vie. Afin de convaincre les réticents, ils exhibent les réalisations de ses quinze années : la paix retrouvée, grâce à la «moussalaha» (réconciliation) ayant mis fin à la violence de la «tragédie nationale» ; une embellie financière, jamais connue, permettant de grandes réalisations (autoroute Est-Ouest, métro d’Alger, des logements par millions…), en sus du règlement de la dette et du placement de deux cents milliards de dollars dans des institutions étrangères ; et enfin, une stabilité jalousée par nos voisins, pris dans les violences et l’anarchie du «tsunami arabe». C’est pourquoi ils supplient «Fakhamatouhou» (Son Excellence) de se représenter malgré son état de santé. Pour eux, bien qu’il se déplace en fauteuil roulant, il peut servir encore même cloué au lit, car disent-ils : «Le Président travaille avec sa tête, non pas avec ses pieds !». Cet optimisme béat n’est guère partagé par toute la société, surtout l’opposition qui est d’un autre avis. Pour cette dernière, le bilan de M. Bouteflika est maigrelet, eu égard aux moyens dilapidés par la navigation à vue. En effet, on note l’absence de stratégie (sécuritaire, économique, sociale…) et d’idéologie (ni socialisme ni capitalisme, seulement du bazarisme). La doctrine omniprésente est le machiavélisme primaire : des tactiques pour consolider son pouvoir par tous les moyens. Cette carence d’idées engendra la loi de la jungle (tag ala men tag) et ses regrettables effets. Dans cette perversion des valeurs, on ne distingue plus qui est qui : l’honnête citoyen du bandit, le moudjahid du harki, le serviteur de l’État du corrompu… Après cet aperçu, qu’en est-il des trois réussites étalées (paix retrouvée, embellie financière, stabilité) ?
La «paix retrouvée», qu’on exhibe comme un trophée, est redevable en grande partie au président Liamine Zeroual et à tous les patriotes (civils ou militaires) ayant exorcisé la folie intégriste. La «moussalaha» fut possible grâce au rapport de force en faveur des partisans de l’Algérie algérienne, opposés à l’Algérie des taliban. Réconcilier des enfants égarés avec leur société est une chance susceptible de mettre fin au cycle de la violence. Néanmoins, il faut tirer des leçons du passé par la découverte de la vérité, grâce à la confrontation des récits : «Une faute avouée est à moitié pardonnée», dit-on. C’est la méthode «vérité et réconciliation», utilisée par l’Afrique du Sud afin de soulager les traumatismes de l’apartheid. Il en est autrement de notre «réconciliation nationale» qui s’est faite dans une opacité totale : d’où le risque de revivre le même drame… Après le plébiscite, une politique de l’autruche fut menée : claironner à tout va que la paix était revenue, tout en décrétant un black-out sur les attentats terroristes meurtriers. Le traitement politique de la tragédie était absent ; au contraire, les intégristes étaient choyés par la satisfaction de leurs lubies. Même le Président se mit de la partie en déclarant que s’il avait vingt ans, il serait monté au maquis ; lors de l’attaque terroriste de Tiguentourine, il observa un silence intrigant durant un mois, alors que notre armée subissait une pression terrible venant de l’étranger. Par ailleurs, au lieu d’éradiquer ceux qui refusaient la main tendue, on congédia les patriotes armés pour nous trouver dans l’actuelle situation de «ni guerre ni paix». C’est un choix coûteux en moyens humains et financiers, mais ce dernier point ne semble guère inquiéter.
Assurément, depuis l’arrivée du président Bouteflika, les caisses de l’État débordent de partout. Pourtant, quelques années avant, l’Algérie était réduite au rééchelonnement. Quel est le miracle de cette transformation ?
Tout un chacun sait que la manne financière provient à 98% de la rente pétrolière ayant bénéficié d’une hausse vertigineuse sur les places boursières. En réalité, le Président bénéficia d’une conjoncture exceptionnelle, sans consacrer les sommes colossales engrangées au développement du pays. Au contraire, les activités créatrices de richesses, telle l’industrie, furent sacrifiées en favorisant le recours aux produits étrangers. D’ailleurs, depuis son arrivée, les importations annuelles sont passées de 10 à 60 milliards de dollars l’année dernière. Quant aux réalisations, des spécialistes annoncent le triplement du coût et de la durée du «projet du siècle» (autoroute Est-Ouest), tandis que la qualité des travaux laisse à désirer : des tronçons s’étant déjà effondrés ; les millions de logements «réalisés» ressemblent aux mirages qu’on prend pour la réalité… Le bilan économique de M. Bouteflika est résumé dans cette phrase du professeur Abdelhak Lamiri : «Nous avons perdu 15 ans et 500 milliard de dollars». Si la gestion des richesses du pays ressemble à un gâchis, que dire de la stabilité qu’on veut s’approprier ?
Les partisans du statu quo semblent atteints d’amnésie, car oubliant dans quel état d’esprit ils étaient lorsque tombaient leurs camarades Ben Ali, Moubarak, Kadhafi. Ils se faisaient généreux en achetant la paix sociale à coups de milliards de dollars, tout en promettant de profondes réformes aux Algériens. Du jour au lendemain, ils légalisèrent des dizaines de partis politiques qui attendaient depuis des lustres, tout en tolérant des télévisions algériennes offshore qui n’avaient aucune existence reconnue, eux, qui étaient allergiques aux libertés. Maintenant que le «printemps arab » ressemble à un hiver intégriste, les anciens du parti unique haussent la voix et retrouvent leurs reflexes d’autrefois en votant de liberticides lois (associations, audiovisuel…). Ils oublient qu’ils doivent leur survie politique aux voleurs de la démocratie (islamistes) qui les ont ressuscités. D’ailleurs, le même scenario semble se reproduire en Égypte… Mais notre pays qui dispose d’une vingtaine d’années d’avance est capable d’atteindre, pacifiquement, l’étape suivante : l’instauration d’un Etat démocratique rêvé par nos martyrs. Quant à la stabilité que le régime tente de s’approprier, elle est le fruit des efforts de tous ceux et celles qui font passer l’intérêt de l’Algérie avant tout. Rappelons-nous : lorsque les apparatchiks étaient muets, les patriotes n’avaient cessé d’appeler à la retenue, car notre pays n’a rien à gagner dans les destructions et l’anarchie. Ils déclaraient que l’Algérie n’avait pas à être complexée vis-à-vis de la Tunisie, car notre Révolution doit être celle des esprits.
Un 4e mandat de médiocrité
Après l’examen des trois domaines brandis (paix retrouvée, embellie financière, stabilité), qu’en est-il du temps passé et de la renommée ? Les quinze ans de règne représentent le double de la durée de la Révolution menée face à la 4e puissance mondiale, aidée par l’Otan. Durant ces sept années et demie, nos dirigeants scellèrent l’unité nationale à travers notre vaste territoire, pour la première fois de son histoire ; notre combat libérateur arracha de nombreux peuples du joug colonial. Cette noble cause procura à notre pays un immense prestige qui ne sera dilapidé qu’au bout de plusieurs décennies. En 1999, le slogan du candidat Bouteflika était : «Algérie de fierté et de dignité» (el-aïza wa e- karama). Aujourd’hui, notre pays est souvent méprisé par les grands et les petits. Rappelons les derniers faits.
Après le vomi de haine égyptien (2009-2010), voici venue l’arrogance du Makhzen marocain. Un adolescent, membre d’une délégation sportive de l’Algérie, est incarcéré durant dix mois pour un motif farfelu. Par contre, un vieux pédophile espagnol, violeur de quatorze enfants marocains, fut libéré après l’intervention de son pays. Encouragé par notre passivité, le Makhzen récidive en profanant notre drapeau, un certain 1er novembre…
La dernière offense est l’œuvre du président français, ironisant sur la sécurité dans notre pays, afin d’amuser la galerie. Après les «regrets» exprimés, les victimes du syndrome du colonisé s’empressent de classer le dossier. En revanche, les patriotes ne peuvent pardonner, ni oublier une injure non reconnue. Pis, en rejetant la faute sur autrui (regrets pour la mauvaise interprétation), on nous prend pour des idiots. Pour cela, M. Hollande perd notre estime pour de bon, car nous nous sentons gratuitement poignardés dans le dos. Finalement, hormis pour Tiguentourine et le Mondial, notre fierté est anéantie par des losers qui blessent notre dignité. Malgré cette triste réalité, les naïfs et les opportunistes se mobilisent pour un 4 e mandat de médiocrité. Surtout les vampires, suceurs du sang noir de l’Algérie, qui semblent aveuglés par la préservation de leur impunité. A cet effet, ils sacrifient l’avenir du pays, tout en jouant avec la santé du Président et sa dignité. Effectivement, les sages d’ici et d’ailleurs assurent que l’actuel quinquennat était de trop, car le 3e mandat est un rejeton incestueux, issu du viol de la Constitution (suppression de la limite à 2 mandats en 2008). Cette transgression de la Loi fondamentale fut néfaste à l’Algérie et à celui qui en était le bénéficiaire… Malgré ces images ternes qui collent à son règne, le bilan de M. Bouteflika comporte des succès, tel ce coup de pied dans la fourmilière islamo-baathiste désacralisant l’arabe académique. Depuis, l’usage des langues populaires (berbère et arabe) ou du français se fait en toute spontanéité : après tout, l’essentiel est d’assumer notre algérianité. Mais cet acquis est également redevable aux126 martyrs du «Printemps noir». Au final, tant qu’il est encore président, le doute sur son bilan subsiste, car les intérêts et les sentiments sont là pour brouiller les pistes. La vraie stature ne se dévoilera qu’une fois qu’il aura quitté le pouvoir. A ce moment-là, il sera jeté dans les caniveaux de l’oubli ; ou bien, il rejoindra l’Olympe des Grands pour l’éternité. Tout dépendra de son vécu. Ministre à l’âge de 25 ans durant 18 années (1962-1980), président depuis 15 ans (le record), M. Bouteflika semble gâté par la destinée. Maintenant, n’est-ce pas le moment de tirer sa révérence en organisant la transition vers la démocratie, dans la transparence ? Car le plus important est l’image qu’il laissera à la postérité : un vieillard de 77 ans, malade, s’accrochant désespérément au pouvoir, à l’exemple de Ben Ali, Moubarak, Kadhafi ; ou bien, un Grand Homme privilégiant son pays au détriment de ses intérêts, tels Ben M’hidi, Lula da Silva, Mandela. Qu’Allah protège notre pays et le frère Abdelaziz Bouteflika de la malédiction du 4e mandat !
Boudjema Tirchi
 

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