Saïd Sadi : «Laissons Bouteflika se présenter seul et devenir le président de lui-même !»
Saïd Sadi a livré aujourd’hui au Forum de Liberté un constat accablant de la situation politique du pays. L’ancien président du Rassemblement pour la culture et la démocratie (RCD) n’a pas lésiné sur les mots pour dire clairement et fortement ce qu’il pense de la présidentielle et de l’état du système politique qui entraîne le pays dans les profondeurs. «La confiscation et le conditionnement de la communication sont les vecteurs de la crise actuelle. Il nous faut ouvrir les yeux», alerte-t-il d’emblée devant un parterre de journalistes. Avec sa verve habituelle et son verbe acéré, Sadi déclare que «l'Algérie est en péril», considérant que «ce qui me pousse au débat, ce sont les termes de la propagande qu'on nous impose». «La logique reptilienne du système impose des débats clos», relève-t-il, affirmant que «le système connaît parfois des conflits, mais la conduite reptilienne développe des réflexes pour la survie de l'espèce». Sadi exprime son «inquiétude» quant à l’avenir de la nation «compromis» par les «pouvoirs parallèles qui supplantent les pouvoirs réels». Pour lui, «le système est incapable de se mettre au service de la nation et la fragilité de l'Algérie s'aggrave de jour en jour». Saïd Sadi est revenu sur la guerre au sommet de l’Etat et les dernières salves contre le DRS. Il précise tout d’abord que «le DRS n'est pas une institution mais une structure relevant d'une institution». Mais en raison de sa nature et ses missions sensibles, il doit être placé sous la tutelle d'un pouvoir légitime, estime-t-il. Cela avant de s’interroger sur le débat suscité par les attaques contre cette structure militaire. «Comment déplorer les critiques contre les services secrets et tolérer les attaques contre des institutions ?» s’interroge-t-il, concédant que «le débat actuel est dangereux». Pour lui, il n’y a aucun problème entre la Présidence et le DRS. «Le bilan du chef de l'Etat ne peut être dissocié de celui du DRS», soutient-il. Et d’ajouter : «Qui a ramené ce président ?» Sadi estime qu’il n’y a pas de crise politique mais plutôt une «impasse historique». Pour lui, la seule question qu’il faut se poser, c’est quand et comment l'Algérien peut-il voter réellement. L’ancien président du RCD n’a pas été tendre avec ceux qui, au nom de leur refus du 4e mandat, veulent s’imposer comme seule et unique alternative. «Aucune voix contre le 4e mandat n'a été entendue lors du 3e mandat. Ils entendent le même centre du pouvoir qui leur souffle leur indignation», dénonce-t-il, s’interrogeant sur «la différence entre celui qui dit je ne veux pas laisser ma place et celui qui dit j'y vais malgré tout». «Quelle différence entre un homme du système qui veut rester au pouvoir et celui qui dit je ne veux pas me présenter si le système a un candidat ? Comment appeler à un contrepouvoir et en appeler l'armée ? Ceci est un putsch !» conclut-il, faisant clairement allusion au candidat Ali Benflis et à la sortie alambiquée de Mouloud Hamrouche. L’ancien chef du RCD trouve «choquant» que des candidats s’engagent dans des élections «biaisées». «Il faut faire campagne pour une abstention massive de la présidentielle», appelle-t-il, prédisant le pire pour l’Algérie en attestant que «dans deux ou trois ans les recettes pétrolières ne seront plus suffisantes». Saïd Sadi est plutôt avec les boycotteurs de cette élection. Il ne demande pas le report de l’élection. «Le peuple doit se mobiliser pour discréditer cette élection. On laisse Bouteflika se présenter seul et devenir le président de lui-même», insiste-t-il. Pour libérer «le peuple captif d'un pouvoir invisible», Sadi propose également «une transition pour une nouvelle Constitution. Des législatives et une présidentielle pour clore cette transition». Saïd Sadi qualifie, en revanche, de gravissime le fait de sortir le sceau de la République dans un hôpital militaire français et estime que le Conseil constitutionnel doit s’autosaisir sur l’article 88 de la loi fondamentale.
Sonia Baker